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www.chirac.con
et l'Europe (mars
2000)
Au début de son septennat,
Chirac avait fait ricaner la terre entière en demandant en public
ce qu'était la souris d'un ordinateur, avouant ainsi son ignorance.
Vexé, il se jura qu'on le prendrait plus en défaut sur ce
terrain: depuis, il n'a de cesse de louer en toutes circonstances internet,
l'informatique, les «start up», etc... Sa passion des nouvelles
technologiques est devenue si dévorante que chacun de ses discours
a le lyrisme d'un programme en JavaScript. Sa contribution à la
société de l'information en France est si grande, qu'il n'est
pas exagéré d'écrire que Chirac est devenu pour les
nouvelles technologies ce que Jack Lang fut pour la culture: chaque jour
une nouvelle idée judicieuse, un bouillonnement intellectuel permanent,
l'imagination au pouvoir...
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En décembre 1996, il convoqua la presse précipitamment. Il était porteur d'une nouvelle d'importance: la TVA sur la micro informatique passerait du taux normal (à 20,6%) au taux réduit (à 5,5%), pour rendre plus accessibles les ordinateurs, et ainsi pallier le sous-équipement des foyers français. Cette audacieuse initiative fut prise au sérieux pendant pas moins de trois jours. L'ancien commissaire européen à la concurrence, Karel Van Miert, rabroua sèchement Chirac et lui rappela que, depuis l'Acte unique signé en 1986, les taux de TVA des Quinze sont encadrés par une directive européenne: Ils ne peuvent être inférieurs à 15%, sauf pour une liste très stricte de produits (alimentation, pharmacie...) que seul un accord du Conseil européen et de la commission peut modifier. |
Envolée la baisse de la TVA sur la micro! Le Bill Gates du plateau de Millevaches avait oublié que, pour se moderniser conformément aux idées à la mode, la France doit sans doute se lancer dans les nouvelles technologies, mais avant toute chose, elle doit surtout disparaître dans l'ensemble européen et vérifier que la moindre mesure qu'elle envisage est «euro-compatible».
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Chirac n'est pourtant pas homme à se laisser décourager. Trois ans après sa mésaventure, il a conservé intacte sa passion des ordinateurs: le 3 mars 2000, en visite à Republic Alley un immeuble parisien abritant quatorze start up françaises, il s'est montré attentif à l'inquiétude fiscale de ses hôtes: interrogé sur les stock options, "le président saute sur l'occasion pour se dire «tout à fait favorable» à une fiscalité plus avantageuse pour les start up Internet et les jeunes entreprises qui démarrent". (Le Monde 4/3/00) |
Adopter une
fiscalité plus avantageuse aux start up et aux jeunes entreprises?
Quelle bonne idée! Si après cela, la France ne se transforme
pas en vaste Silicon Valley, c'est à désespérer des
grands hommes. Et pourquoi donc personne n'y a songé plus tôt?
Pourquoi? Mais tout simplement parce que les réglementations européennes
ne le permettent pas et Chirac devrait le savoir.
En 1996 le gouvernement
Juppé avait accordé 2,1 milliards de francs à 13.000
entreprises du textile en échange d'embauches ou d'emplois maintenus.
Ces subventions avaient été contestées par la commission
de Bruxelles et le gouvernement suivant dut trouver un compromis sur le
remboursement de ces aides en juin 1999. (voir Libération
19/06/99). La réglementation européenne qui interdit
les «aides sectorielles» (directes ou indirectes comme les exonérations partielles de charges) n'est pas spécialement nouvelle
puisqu'il s'agit du Traité de Rome (signé le 25/3/1957).
Entre ses deux maîtresses
tyranniques, l'Europe fédérale et la high tech, Chirac devra
finir par choisir celle qu'il préfère.
La
gaffe de Jospin en Israël (mars 2000)
Le faux pas L'infléchissement
pro-israélien de la politique de la France souhaité par Jospin
à Jérusalem aurait empiété sur le domaine réservé
de quelqu'un d'autre, a-t-il été affirmé ici et là.
Celui du président de la République? Non, bien sûr.
La République, cette vieillerie, doit disparaître, et l'actuel
locataire de l'Élysée mérite bien des éloges
pour les efforts auxquels il consent pour en hâter le processus.
Non, les déclarations de Jospin constituent non pas un empiétement
sur le domaine réservé de Chirac mais, beaucoup plus grave,
une intrusion dans le futur domaine réservé de l'Europe fédérale.
Qui l'ignore encore: la
France, cette puissance mineure, ne peut et ne doit plus avoir de diplomatie
indépendante, ni au Proche-Orient ni ailleurs. Aujourd'hui, c'est
à l'Europe qu'il revient de déterminer et conduire la Politique
Étrangère et de Sécurité Commune (PESC), ainsi
qu'il a été décidé par le traité de
Maëstricht. En visite en terre sainte, Jospin, cet inconscient, aurait-il
oublié les Saintes Écritures?
L'UE, acteur majeur au
Proche-Orient Si, dans ses efforts diplomatiques, la PESC n'est qu'à
ses débuts, ceux-ci sont très prometteurs, en particulier
au Proche-Orient: Romano Prodi a effectué dimanche 27 février
une visite en Israël et dans les territoires palestiniens. Avant
son voyage il a déclaré à El
país (26/02/00)
"l'Europe ne peut pas continuer à être
le banquier du Proche-Orient. Il est temps qu'elle ait plus de poids, le
poids du protagoniste majeur qu'elle est en politique". Mettant en
pratique ces bonnes résolutions, il a déclaré que
l'Union européenne se chargerait d'un programme d'acheminent d'eau.
Oui, on a bien lu, c'est l'UE et non pas les USA qui prend cette initiative
considérable. À n'en pas douter, les États-Unis vont
être mortifiés de l'intrusion de cette rivale européenne
dans leur chasse gardée. Nicole Fontaine, la présidente du
«parlement» européen, s'occupe, elle aussi, de diplomatie
au Proche-Orient. Elle s'est rendue en visite officielle en Israël
le 22 février 2000. (Le site du «parlement»
européen relate son périple) Audacieuse et inspirée,
elle a déclaré à Yasser Arafat "la position du
Parlement européen et de l'Union Européenne est restée
d'une égale constance au fil des années, en accord avec les
résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies",
ce qui devrait la fâcher avec bien du monde... On le voit, le Chef
du gouvernement européen tout comme la présidente du parlement
européen commencent au Proche-Orient une magistrale oeuvre de paix
qui fera de l'Union européenne un "protagoniste majeur" de la région,
selon les mots du président Prodi. Seuls les deux ministres européens
des affaires étrangères Chris Patten et Javier Solana, (qui
doivent se contenter pour le moment du titre de commissaire aux affaires
extérieures pour le premier, et de M.PESC pour le second) ne se
sont pas encore signalés par des interventions dans la région
mais ils devraientt sous peu combler cette carence.
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Aussi, devant
tant d'initiatives fructueuses et convergentes de l'Europe au Proche-Orient,
on ne comprend pas très bien pourquoi Jospin a cru devoir faire
l'intéressant par des déclarations que seuls Prodi, Mme Fontaine
et Patten sont habilités à prononcer.
C'était pour la
bonne cause Accordons toutefois des circonstances atténuantes
à Lionel Jospin. En court-circuitant les responsables européens,
il est sorti de son rôle, mais pour la bonne cause: l'affaiblissement
de la France. L'International Herald Tribune (29/02/00) ne s'y est
pas trompé et se réjouit: "les réactions d'indignation
[en France aux propos de Jospin] portent essentiellement sur la
redéfinition de la réalité par M.Jospin, sa renonciation
à la prétention française, vieille de plusieurs décennies,
selon laquelle la France aurait un rôle particulier particulier à
jouer au Proche-Orient, en raison d'affinités prétendues
exceptionnelles avec le monde arabe." La prétention française
à vouloir exister en a pris pour son grade? Il y a donc lieu de
féliciter le premier ministre.
Mais l'abaissement de la
France n'est pas le seul sujet de satisfaction de cette affaire. Si la
France confirme l'abandon de sa politique équilibrée au Proche-Orient,
elle rentrera enfin dans le rang européen et il sera possible de
mettre en oeuvre la seule politique étrangère européenne
commune possible dans la région, en raison du passé de l'Allemagne
et de l'atlantisme des 14 autres:un soutien inconditionnel à Israël.
Bien entendu, ces ringards
d'eurosceptiques du Monde diplomatique se désolent, dans
un dossier spécial, que les déclarations de Jospin
"affaiblissent la présence de la France dans la région".
Ces attardés aggravent leur cas en s'accrochant de manière
pathétique à la politique arabe du général
de Gaulle "qui donne à la France sa place à part dans une
région si proche des frontières de l'Europe et dont l'importance
est vitale pour la sécurité de la Méditerranée."
Le premier ministre a réussi a fâcher les eurosceptiques?
Rien que pour cela, il doit en être remercié.
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Atlantistes
et européistes, Lionel Jospin et la diplomatie française
l'étaient déjà. Pour revenir intégralement
aux positions du MRP et de la SFIO (l'UDF et le PS de l'époque)
de la délicieuse IVè République, il ne restait qu'une
étape à franchir: une partialité indéfectible
en faveur d'Israël. Par ses déclarations, Jospin l'a franchie
et nous dévoile par la même occasion, son vrai mentor en politique:
l'excellent Guy Mollet.
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Les
gloires multimédias perturbées par Haider (février
2000)
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Trêve d'ironie facile. Alexandre Adler, s'il n'a jamais découvert l'Amérique, vient d'effectuer une découverte autrement plus étonnante: la réalité de l'Allemagne. Dans un papier publié en une du Monde (24/02/00) , il explique que l'affaire Haider n'aura pas seulement des conséquences en Autriche mais dans l'ensemble du monde germanique: |
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Mais voyons Alexandre, ce n'est pas sérieux. Si Haider a en tête pareil projet, celui-ci est voué à l'échec. Car si les Autrichiens ont bâclé leur travail de dénazification en se présentant comme les premières victimes de Hitler, et acceptent l'entrée d'extrémistes au gouvernement rien de tel pour les Allemands, qui sont devenus les meilleurs démocrates de la terre. La démocratie allemande peut donner des leçons à tous ses voisins, et l'Allemagne n'est pas prête d'être le berceau d'une aventure sinistre. S'il lit Le Monde attentivement, il doit bien le savoir! Pourtant, il écrit:
Plus loin,
il est question de "nouvelle droite germano-européenne",
de "la bagarre [qui] reprend là où on l'avait
laissée à la fin des années 30", d'éventuel
"surgissement identitaire germanique"
qui ne déplairait pas à tous le monde, notamment aux eurosceptiques.
C'est donc ça, le monde germanique? Il ne ressemble guère
à cette Allemagne moderne, démocratique et paisible que l'on
nous décrit habituellement.
Est-il possible d'aligner plus de malhonnêtetés en si peu de mots? "Les souverainistes ont ainsi démontré que leur passion anti-européenne l'emportait sur leurs sentiments républicains?" Les convictions républicaines (et non pas les "sentiments") et la réflexion (et non pas la "passion") anti-européenne ne s'opposent pas, mais se renforcent l'une l'autre. La République est l'expression de la souveraineté populaire. L'appartenance à l'Union européenne permet-t-elle de tempérer la souveraineté des peuples? Pourquoi pas! Mais seulement une fois que les 15 nations européennes auront ratifié un traité autorisant un droit de regard de l'UE sur la composition de chaque gouvernement. En attendant cet improbable traité, l'UE n'a que la légitimité de rester pour l'essentiel un marché commun, hélas une monnaie commune. Certainement pas des valeurs communes. Les «souverainistes» "avouent involontairement à cette occasion que l'Europe n'est pas à leurs yeux une communauté de valeurs et de principes mais un simple marché de biens et de capitaux.", comme l'écrit Duhamel? Bravo Sherlock-Holmes! En ce qui nous concerne, toutefois, ce n'est ni un aveu, ni involontaire, mais une affirmation que l'on a la faiblesse de croire réfléchie. |
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