Bien
sûr que non, puisqu'il s'agit de créations d'emploi et non
pas de remplacement de postes vacants! La BCE embauche parce que, comme
les autres start-up, son activité est en expansion, voilà
tout. Tous les champs d'activités sont concernés par ces
embauches: juristes, économistes, statisticiens, etc. Et si l'on
en croit le site de la BCE,
celle-ci recherche également des stagiaires. Imagine-t-on référence
plus prestigieuse sur un CV, que celle d'un stage à la BCE? D'autant
que son président, Wim Duisemberg, est un homme honorablement connu
qui n'attend vraisemblablement pas de ses stagiaires les mêmes prestations
qu'à la Maison Blanche.
La BCE n'est pas bureaucratique
Par ailleurs il est confirmé, que contrairement à l'odieuse
calomnie eurosceptique, les institutions européennes ne sont pas
des monstres bureaucratiques: "Même après cette vague de
recrutement, ses effectifs [ceux de la BCE] resteront néanmoins
modestes, comparés aux quelque 16.000 employés de la Bundesbank".
Quel revers pour les eurosceptiques! La BCE est 16 fois moins grasse que
la Bundesbank. Les monstres bureaucratiques sont les institutions nationales,
pas les institutions européennes! Mauvais perdants, les eurosceptiques
rétorqueront que ces 1000 employés à la BCE sont toujours
1000 de trop, surtout pour le travail qu'ils exercent: pour retranscrire
les décisions de la Bundesbank, 2 personnes, une standardiste et
une dactylo suffiraient amplement. Que voulez-vous répondre à
cette débauche de mauvaise foi?
Un brassage harmonieux
d'Européens Comme il se doit, la composition du personnel de
la BCE est un reflet fidèle de la population de l'UE. Très
fidèle? Oui, enfin... assez fidèle: "aucun quota de nationalités
n'est fixé, mais les dirigeants de la BCE essaient de respecter
les grands équilibres démographiques continentaux, au moins
pour les postes de cadres. Près de 80 Français sont actuellement
salariés de la BCE." Quatre-vingts Français à
la BCE! N'est-ce pas trop? Cette foule de Français doit, comme de
coutume, se comporter comme en pays conquis! Bien sûr les eurosceptiques
ont immédiatement sorti leur calculette et ont remarqué que
sur 750 employés actuels, les 80 Français représentent
11% du personnel, alors que la France détient 16,87% du capital
de la BCE. Ces calculs sont d'une mesquinerie à l'heure de l'Europe!
Et cette sous-représentation de la France (et de l'Italie, de l'Espagne
ou du Portugal) n'est bien évidemment pas due à une quelconque
discrimination contre les Latins: on sait que de tels comportements discriminatoires
sont inconcevables en terre germanique. Si, comme le relève Le
Monde, "dans l'ensemble les Allemands sont légèrement
sur-représentés", ceci s'explique parfaitement:
premièrement, "nombre d'emplois non-cadre (gardiens, coursiers)
sont pourvus localement", deuxièmement les candidatures émanant
de pays latins sont peu nombreuses, car les Espagnols et les Français
sont "peu attirés par Francfort", alors que la BCE
intéresse davantage "les Finlandais, qui ont le sentiment de
descendre dans le Sud." Pour un Finlandais, Francfort, c'est déjà
les tropiques, en quelque sorte. Ainsi, si les Allemands sont si nombreux,
c'est parce qu'ils acceptent les boulots dont les Français et les
autres Latins ne veulent pas. Quant à ces derniers, s'ils veulent
être mieux représentés à la BCE, ils n'ont qu'à
surmonter leurs préjugés stupides contre Francfort, qui est
une ville superbe. (À cet effet, nous reproduisons un extrait du
guide touristique montrant les trois principales attractions touristiques
et culturelles de la ville de Francfort.) |
Des
tensions sociales?
Toutefois, quelques nuages viennent assombrir ce
paysage idyllique qu'est la vie à la BCE: "Après près
de deux ans de travail acharné, pour jeter les bases de l'euro,
une certaine mauvaise humeur semble poindre chez quelques salariés:
«les gens en ont marre de faire des heures supplémentaires»
indique un représentant du personnel, «les conditions de recrutement
et de promotion ne sont pas transparentes», dit-il en regrettant
le mauvais fonctionnement du Staff Commitee, le comité d'entreprise
destiné au dialogue au sein de la maison." Bien sûr, les
aigris ricaneront, ils ne savent faire que cela, et diront que c'était
bien la peine d'avoir installé la BCE en Allemagne, la terre promise
de la co-gestion employeurs-salariés, et à Francfort même,
le lieu saint du prétendu modèle social rhénan, pour
se retrouver avec des sordides histoires d'heures sup', comme celles que
rencontrent les caissières-stakhanovistes de chez Shopi... C'est
facile. Et c'est méconnaître le fait que la BCE est certes
une banque centrale, mais surtout une usine à rêve, qui n'est
pas soumise aux mêmes conditions de travail que les autres entreprises.
Les autres marchands de bonheur (Disneyland, le Club Med...) ne rencontrent-ils
pas, eux aussi, des problèmes avec leurs cast members et
leurs GO?
Pas de fraude à
la BCE Enfin, Le Monde aborde avec la circonspection qu'on lui
connaît le délicat problème du contrôle anti-fraude.
"Autre
chantier, soulevé récemment par la Commission européenne,
le contrôle anti-fraude. Bruxelles a porté plainte, le 12
janvier, auprès de la Cour européenne de justice contre les
procédures choisies par la BCE. Arguant de son indépendance,
cette dernière s'est refusée à reconnaître les
règles de l'Office de lutte anti-fraude (OLAF) prévalant
pour les institutions européennes. En octobre dernier, la BCE avait
nommé un comité de trois experts indépendants chargés
de prévenir toute fraude interne. Une pratique contestée
par la Commission européenne, qui se veut très pointilleuse
sur ce genre de dossier après les scandales qui ont fait chuter
la comission Santer." Comment réagir, sinon avec tristesse,
en voyant la commission et la BCE se quereller pour des broutilles, alors
qu'elles devraient faire front commun contre l'hydre eurosceptique. Et
on imagine l'embarras de la cour de Luxembourg, sommée de trancher
entre la BCE et la commission, elle qui ne connaît d'ordinaire que
les litiges entre les États et la commission. Elle devra pour cette
pénible affaire écouter les arguments des deux parties, et
pas seulement ceux de la commission, comme elle le fait habituellement.
Plutôt que de faire le jeu des eurosceptiques, qui vont s'asseoir
au bord du ring et compter les points avec satisfaction à chaque
coup que se porteront la BCE et la commission, n'était-il pas possible
de régler cette affaire discrètement, entre gentlemen,
comme on sait le faire à Bruxelles?
Ces regrets ne sauraient
toutefois pas amoindrir la gratitude que tous les Européens responsables
doivent porter à la BCE pour cette fantastique réussite qu'est
l'avènement de l'euro. |