ACTUALITÉ
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Quelques commentaires, sérieux ou frivoles,
sur l'actualité européenne


Captain Euro (juillet 99)
On ne le répétera jamais assez: les eurosceptiques ne sont que des frileux nostalgiques qui ne savent qu'exploiter les peurs et les pulsions. Les partisans de l'Europe fédérale doivent donc relever le défi, ou plutôt le challenge, et occuper le seul terrain qui leur sied: celui de l'intelligence et de la raison.
Nous nous étions déjà inquiétés du peu d'intérêt que les peuples semblent manifester pour l'euro et nous nous alarmions que la promotion de l'euro ne fasse appel qu'à des réflexes boutiquiers; Jack Lang l'a pourtant amplement démontré: en chaque individu, someille
un artiste, dont la sensibilité ne demande qu'à être réveillée. Aussi, pourquoi ne pas stimuler cette appétence artistique qui réside en chacun d'entre nous pour défendre l'euro? Et en particulier par les deux seuls arts qui comptent aujourd'hui, la publicité et la bande dessinée?
Messieurs les Anglais, eux, l'ont très bien compris et ont conçu une campagne en faveur de l'euro qui les honore.
Des «créatifs» britanniques talentueux ont imaginé une BD, Captain Euro , mettant en scène un jeune héraut des "valeurs européennes de bonne volonté". Quelle est la fonction de ce jeune héros? Protéger l'Europe telle qu'est en train de se construire: car, "à l'aube du 21è siècle, le monde change plus rapidement que jamais. Les vieilles structures disparaissent en même temps que de nouvelles apparaissent". Aussi, "dans ce climat de changement permanent, l'Union européenne, l'union de la prospérité et de l'innovation a émergé comme une superpuissance mondiale". Captain Euro doit donc "défendre la sécurité de l'Europe et promouvoir les valeurs de l'Union".

Une lueur s'est levée à Bruxelles,
l'unification de l'Europe
Captain Euro veille
sur l'Europe

Mais qui est donc Captain Euro? Un collègue de bureau insipide, qui cache ses pouvoirs exceptionnels, comme dans certaines séries mettant en scène d'autres übermenschen? Non, Captain Euro est à la ville comme dans le privé: fulgurant. Ses qualités intellectuelles, qui le disputent à son physique avantageux, font de lui le gendre idéal. Polyglotte, curieux de tout, expert en nouvelles technologies, il sait pourtant, en digne héritier de la sagesse des anciens Romains, que sa mens sana doit s'épanouir dans un corpore sano. Aussi, il distrait une partie de son temps précieux pour faire du ski, du tennis.
En quoi consiste l'activité quotidienne de notre apollon? Quelle question! Lutter contre l'empire du mal, l'euroscepticisme. Cette hydre dont les incarnations maléfiques sont représentées dans la BD par la bande du sinistre docteur D.Vider (Dr Diviseur, voir photo), qui s'oppose à l'unification de l'Europe. C'est là la principale faiblesse de l'oeuvre Captain Euro: concéder aux eurosceptiques des traits humains: qui ne comprend pas que refuser le traité de Maëstricht revient à s'exclure du genre humain?


Les forces du mal du Docteur D.Vider

Par ailleurs, Captain Euro est-il une oeuvre de pure fiction ou ses auteurs se sont-ils inspirés d'augustes modèles vivants? En d'autres termes, sous les traits du jeune européiste, intelligent et sportif, n'a-t-on pas voulu dresser le portrait de Jacques Delors, de Jacques Santer, ou de Romano Prodi? Peut-être. Pourtant, derrière le jeune héros, nous croyons avoir reconnu le Président Monory; la devise du héros est: "utiliser l'intelligence, la culture et la logique, pas la violence pour résoudre des situations difficiles". Cette devise est également celle du Président Monory. En outre, Captain Euro est un expert en nouvelles technologies, un clin d'oeil évident au Futuroscope. Enfin, le héros a un secret: il est bionique; un accident au volant d'une voiture de course a nécessité la pose d'une protèse électronique: c'est également le secret du Président Monory: s'il a paru hésitant et vaseux lors de ses dernières présidences de séances au Sénat, ce n'est pas le gâtisme, Alzheimer ou Parkinson qu'il faut incriminer, comme certaines langues vipérines l'ont colporté, mais seulement une défaillance de ses protèses bioniques. Quant à la voiture de course, c'est une allusion sans équivoque au passé de garagiste du Président Monory.


 

Europa muß Deutsch sprechen (juin 99)
La défaite d'Helmut Kohl avait inquiété beaucoup de monde à Paris; même les socialistes français tempérèrent leur joie de voir accéder au pouvoir un allié politique: n'allait-on pas vite regretter Helmut Kohl? Le Rhénan catholique proche de la France, devait céder la place à un Saxon protestant, à un homme qui n'a pas connu la guerre, qui ne cache pas ses affinités anglo-américaines et qui est issu de ces régions de l'Allemagne du nord marquées par l'autoritarisme prussien. L'Allemagne nouvelle, communément appelée "la République de Berlin", n'allait-elle pas à nouveau succomber à ses anciennes tentations impériales?

Si la confusion qui a caractérisé les premiers mois de l'équipe Schröder n'avait pas éclairci la situation, depuis quelques semaines le doute n'est plus permis: le hasard du calendrier avait fait que l'Allemagne présidait l'Union européenne lors de la guerre en Yougoslavie, si bien que l'Allemagne s'estimait fondée à prendre la tête des efforts diplomatiques européens, pour rapprocher la Russie de l'OTAN notamment. En mars 99, d'après The Economist (5/6/99), seule l'intervention du patriarche de la social-démocratie allemande, Helmut Schmidt, avait dissuadé Schröder d'en découdre avec la France en imposant la réforme de la PAC la plus conforme aux intérêts allemands.
Certains naïfs croyaient que la fin de la présidence mettrait un terme à cet activisme débridé. Les épigones de Mme de Staël (qui décrivait au début du XIXè l'Allemagne comme un pays profondément pacifique et romantique) doivent déchanter aujourd'hui: les signes de volonté de puissance allemande se multiplient, et même les européistes doivent en convenir: "la nomination probable d'un Allemand à la tête de la KFOR illustre les nouvelles ambitions de Bonn" (Le Monde 4-5/7/99).  Au début du mois de juillet, l'Allemagne a décidé de boycotter les réunions européennes informelles, pour protester contre le fait que la langue allemande ne soit pas une des trois langues de travail, au même titre que le français, l'anglais et la langue de l'hôte de la réunion.
Fin juin, Schröder envoya une lettre comminatoire à Paavo Lipponen (le premier ministre finlandais qui préside l'UE pour le second semestre 99), l'enjoignant d'accepter la langue de l'inspecteur Derrick dans les débats. Lipponen refusa de s'incliner, arguant que l'Italie ou l'Espagne seraient fondées elles aussi à promouvoir leur langue dans ces réunions. Dépité, Schröder décida d'imposer à son ministre de l'économie de boycotter la réunion finlandaise.


Bismarck

Schröder

Déjà en 1998, l'ancien ministre de l'économie Théo Waigel, répétait inlassablement que "l'euro parle allemand". (Il voulait dire que l'euro n'est pas une nouvelle monnaie, mais la monnaie allemande élargie, aussi stable et forte que le mark, ce qu'on a constaté depuis...).
Il semble désormais que l'Europe, elle aussi doive se mettre à parler allemand.

Le fond de l'affaire est discutable: avec près de 90 millions de «locuteurs» (comme on dit joliment à la fac Paris-VII) l'allemand est la langue la plus parlée en Europe, loin devant les quelque 60 millions d'anglophones ou de francophones: aussi il n'est pas illégitime d'accorder à cette langue une place importante, même si le français est nettement plus parlé que l'allemand comme seconde langue, d'après l'enquête d'Eurostat:

Quelle que soit la légitimité des demandes allemandes, c'est le procédé qui est choquant: au lieu d'aborder sereinement la question lors des sommets européens, l'Allemagne envoie ses courriers menaçants à un petit pays, certaine que le rapport de force va imposer ses intérêts. L'Allemagne était friande de ces méthodes entre 1933 et 1939, mais on croyait cette période révolue. Plus exactement, certains le croyaient...
Bien sûr les européistes, persuadés que l'Allemagne a forcément raison et la France forcément tort, vont rétorquer que le procédé, le boycott des réunions européennes, a un précédent: la politique de la chaise vide de de Gaulle en 1965: la comparaison ne tient pas; la chaise vide ne fut employée qu'en dernier recours, après des années de discussions infructueuses. Aujourd'hui c'est pour faire valoir une exigence qu'elle n'avait jamais formulée que l'Allemagne joue la boudeuse menaçante.
Cette affaire, qu'on pourrait mettre sur le compte de la balourdise germanique, est du pain béni pour les eurosceptiques. Il était grand temps que le masque d'une Allemagne débonnaire et pacifique, incarnée par la bonhomie de Kohl, tombe et que l'Allemagne montre son vrai visage: celui d'un pays qui, s'il s'a exorcisé son nazisme, ne s'est pas libéré de ses penchants hégémoniques et reste inquiétant. Il sera plus délicat de fédéraliser l'Europe trop rapidement si l'Allemagne ne dissimule plus sa volonté de puissance.

Une ère nouvelle est arrivée (juin 99)
On a suffisamment moqué dans ces pages les partisans de l'Europe pour ne pas leur reconnaître aujourd'hui une certaine forme de talent. La perfection dans la mauvaise foi: l'euro s'effondre face au yen? Victoire! C'est la preuve de "l'avènement d'une ère nouvelle dans les relations monétaires internationales!" (Le Monde 23/6/99) Pourquoi? Mais parce les Japonais sont intervenus pour enrayer cette chute, prouvant ainsi qu'ils ne sont plus obsédés par la seule parité dollar-yen!
Admirons ce raisonnement qui devrait figurer dans les anthologies de la malhonnêteté européiste: la réalité se rappelle au souvenir des européistes par un fait gênant; essayer d'expliquer les raisons de ce fait serait plus gênant encore; il faut alors masquer la réalité par des arguties idéologiques comme autant de rideaux de fumée. Et le tour est joué.
L'euro baisse face au yen. C'est gênant car cela réduit à néant la principale explication européiste sur l'effondrement de l'euro face au dollar: la meilleure santé de l'économie américaine. Si tel est le cas, pourquoi l'euro baisse-t-il face au yen, alors que la situation économique est meilleure en Europe qu'au Japon? Les européistes n'en disent mot car ce serait avouer la cause de la faiblesse de l'euro: sa viabilité est douteuse et il est loin d'être acquis qu'en 2002, il remplacera les monnaies nationales. Comment éviter de mettre à jour ces vérités gênantes? En bombardant l'auditoire d'idéologie européiste sur la prétendue ère nouvelle dans laquelle le monde serait entré: la naissance de l'euro aurait contraint le Japon à ne plus se préoccuper que du seul dollar, écornant ainsi la toute puissance de la monnaie américaine.
Ces élucubrations européistes sont évidemment absurdes:
Une "ère nouvelle" un peu vieillotte
D'une part il est faux de dire que le Japon ne se souciait que du dollar: le dollar est pour le Japon la monnaie du pays qui est son principal fournisseur et son principal client; le dollar est également la monnaie dans laquelle est libellée sa facture énergétique. Il est naturel que le niveau du dollar soit la première préoccupation monétaire du Japon. Ce n'est pourtant pas la seule: on l'a vu en 1997, lors de la crise asiatique quand le Japon a assisté en spectateur impuissant à l'effondrement des monnaies coréennes et thaïlandaises, ce qui allait affaiblir ses exportations. On l'a vu l'année suivante quand il a obtenu, après bien des pressions, que la Chine ne dévalue pas le yuan. La prétendue nouvelle ère ressemble furieusement à l'ancienne: les Japonais surveillent 1° le dollar et 2° le yuan et enfin, les autres monnaies.
Bientôt une autre nouvelle ère
D'autre part il est assez piquant de voir un nouveau signe de faiblesse de l'euro accueilli comme une bonne nouvelle par les européistes. Dans ces conditions, ils devraient d'ici 2002 avoir une occasion supplémentaire de se réjouir: quand l'incohérence et le malthusianisme du projet européen apparaîtront de plus en plus évidents, l'euro baissera face à toutes les monnaies, ce que les Allemands n'accepteront plus: on verra alors tout ce que la planète compte de Banques centrales s'affairer au chevet de l'euro pour tenter de ranimer le mourant. Ce sera alors une fantastique victoire de l'euro! La mort annoncée de la monnaie n'est-elle pas la préoccupation des banquiers du monde entier?



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