ACTUALITÉ
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Quelques commentaires, sérieux ou frivoles,
sur l'actualité européenne


Repenser la communication sur l'euro (juin 99)
Tout le monde s'accorde à dire que si les Européens se sont abstenus aux élections, ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas le renforcement de l'Union européenne, mais parce qu'on n'avait pas déployé la pédagogie nécessaire sur l'Europe. C'est pourquoi, il conviendrait de se pencher sur la pédagogie de l'euro, afin que son entrée en service en 2002 soit une réussite.
Pourquoi le nier? La «communication» sur l'euro a échoué et les «créatifs» des agences de pub doivent la repenser. Aujourd'hui les affichettes dans les banques et les commerces ne suffisent plus. Pourquoi ne pas s'inspirer des succès des «love-parade», «écolo-parades» et autres «gay pride»? Le bon goût, l'élégance, l'aspect bon enfant et le raffinement de ces manifestations ont suscité l'adhésion et la sympathie de tous, ce dont l'euro manque tant! Qui ose encore écouter Bach après la love parade? Qui récidive dans l'hétérosexualité après la gay pride? Qui n'a pas voté Cohn-Bendit après l'écolo-parade? Personne, sinon la France moisie que dénonce inlassablement Sollers!
C'est pourquoi il serait judicieux d'organiser des «europrides» qui apporteraient à la cause de nouveaux convertis. En outre ce serait l'occasion de réjouissances officielles, qui font si cruellement défaut en France. Le succès mérité d'Halloween ne montre-t-il pas que les Français sont ouverts aux fêtes nouvelles, pour peu qu'elles soient «cool», «fun», et tournées vers la jeunesse? Des tentatives ont commencé pour célébrer la naissance de l'euro. La photo ci-contre en montre une. Hélas elle ne rassemblait que les membres du Mouvement européen, c'est-à-dire personne ou presque. Pour attirer les foules, il faut copier le succès des autres parades, en organisant des chars colorés et vivants: sur fond de 9è de Beethoven version techno à faire péter la sono, les Jospin, Chirac, Delors et autres Bayrou se trémousseraient sur les chars et agiteraient des drapeaux de l'Europe. Simone Veil, en pom-pom girl bleue Europe, lancerait des confettis à l'effigie de 1€. Pour les européistes honteux, Séguin et Chevènement, ce serait l'occasion de faire leur «coming out», et d'avouer qu'ils sont européistes depuis toujours mais que l'europhobie ambiante les contraignait à l'hypocrisie.
Bien sûr le choix de l'itinéraire est à étudier avec précaution: les Champs-Élysées? Pas question, la place Charles de Gaulle est au bout et il y a trop de rues (Hoche, Friedland, Wagram) qui rappellent ce passé qu'il faut aujourd'hui oublier; place de la République? Encore moins puisque c'est cette gueuse qui bloque la création de l'Europe fédérale! Saint-Germain des Prés? C'est en effet là qu'on trouve les partisans les plus acharnés de l'Europe, mais c'est le peuple qu'il faut charmer. Place de l'Europe? Ce serait le choix idéal si ce n'est que la place est minuscule et manque de la majesté qu'une telle manifestation exige! Pareil pour La place Jean-Monnet: trop petite et en plus personne ne sait où c'est! La place du Trocadéro? C'est vexant pour les Espagnols et c'est l'avenue d'Iena qui y mène!
C'est bien compliqué! Cohn-Bendit a bien raison: "il faut faire l'Europe pour changer la France". À commencer par ces maudits noms de rue!


L'abjection régionaliste (juin 99)
Enfin une bonne nouvelle de la part du Conseil constitutionnel! Depuis que Roland Dumas n'y siège plus pour cause de bottines et de statuettes, les «sages du Palais Royal» semblent ne plus s'accomoder des dérives communautaristes qu'encouragent par ailleurs la présidence (ou ce qu'il en reste), le gouvernement et le Conseil d'État
(pour se faire une idée sur les méfaits multiculturalistes du Conseil d'État, on se reportera à Les casseurs de la République, l'excellent livre de Chrisian Jelen (Plon 1997) où l'auteur, prématurément décédé, y relate comment le Conseil d'État enjoint les maires d'enregistrer les secondes et troisièmes épouses des Africains polygames, comment il cherche à "décriminaliser" l'excision...)
Le 15 juin 1999, il vient d'estimer que "la charte [européenne des langues régionales], en ce qu'elle confère des droits spécifiques à des groupes de locuteur de langues régionales ou minoritaires (...) porte atteinte aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français".
Cette décision aurait mis Jospin et Chirac dans l'embarras (Le Monde 19/6/99). On notera que Chirac est embarrassé par un avis du Conseil constitutionnel qu'il a lui-même sollicité, confirmant ainsi l'intelligence politique du personnage...
Mais pourquoi les deux éminences de la République, à l'unisson une fois de plus, seraient dans l'embarras? Parce qu'il va falloir modifier à nouveau la Constitution? Mais où est le problème? Tout le monde sait bien que la Constitution est dépassée, à l'heure de l'Europe, de même que la République. Nous suggérons que le Congrès se réunisse le 25 août: la dernière réunion du Congrès à Versailles eut lieu le 18 janvier dernier, anniversaire de la naissance du IIè Reich dans la galerie des glaces en 1871, la prochaine devrait intervenir lors de l'anniversaire de l'ordonnance de Villers-Cotterêts. Ne répète-on pas partout que l'Europe doit "envoyer des signaux forts"?
Comme on pouvait s'y attendre, l'annonce de la décision du Conseil constitutionnel  a déchaîné une vague d'indignation auprès des partisans de l'Europe des régions contre cet "intégrisme jacobin": les défenseurs des "langues" régionales ne sont pas des passéistes nombrilistes. Leur combat "est souvent la marque d'une ouverture et d'un dynamisme qui n'excluent pas  pas l'attention portée aux grandes langues de communication" (Éditorial du Monde 19/6/99)
Ouverts d'esprit les bretonnants, les occitanophones et autres cathares? On se rapportera au cas de la Catalogne. Il y avait autrefois à Barcelone une université réputée (Pompeu Fabra) où s'inscrivaient de nombreux étudiants européens. Depuis que les cours sont donnés en catalan, "les recteurs de l'université autonome de Barcelone et de celle de Girona ont, lors de leurs discours d'ouverture, début octobre, tiré une sonnette d'alarme. Les étudiants étrangers se feraient plus rares, préférant aller étudier sous d'autres cieux, où ils n'ont pas à fournir l'effort d'apprendre le catalan. Pour Barcelone, depuis toujours ouverte au monde, le risque d'isolement existerait alors." (Le Monde 4/12/98). Quelle découverte! S'il y a en effet beaucoup d'Européens qui apprennent l'espagnol, il y en a assez peu pour étudier le catalan. Et nul besoin d'être Paco Rabanne pour prédire que le jour où les universités de Brest ou de Perpignan enseigneront en breton ou en catalan, seuls les étudiants aux origines ethniques locales y assisteront. Les régionalistes peuvent bien s'indigner de la récupération des thèmes régionalistes par le FN, c'est bien de cela qu'il s'agit.
Quant à l'ouverture d'esprit des bretonnants de Diwan qu'on en juge: cette association gauchisante refuse d'exercer son enseignement en breton dans les lycées mixtes français-bretons et exige des bâtiments spécifiques où les chers petits ne courent pas le risque d'entendre parler français.
Tout cela serait seulement grotesque s'il ne s'agissait que de l'arrogance de quelques farfelus qui n'arrivent pas à comprendre que seule la littérature consacre la barrière entre une langue et un patois, que Le cheval d'orgueil pour le breton et les platitudes en provençal de Frédéric Mistral paraissent bien légers pour donner à ces dialectes le statut de langue.
Mais le régionalisme est surtout abject, car allié de l'Europe allemande; derrière les aspirations régionalistes qui exigent le respect de leur pseudo-langue et de leur culture traditionnelle, il y a une conception ethnique de la citoyenneté, typiquement allemande; car qui parle le breton, le basque etc, sinon les descendants de ceux qui habitaient ces régions depuis des siècles. On se rapportera au livre d'Yvonne Bollmann (voir biblio) pour voir l'implication de l'Allemagne dans le régionalisme: l'auteur rappelle que l'Allemagne a protesté en 1980 quand la France n'a pas ratifié l'article 27 de la charte européenne des langues régionales des minorités du Conseil de l'Europe (en quoi était-elle concernée?), que l'Allemagne finance un groupe, le FUEV (rebaptisé ECMI) (föderalistiche Union der europäische Volksgruppen, ie Union fédéraliste des communautés ethniques européennes) qui soutient dans leur lutte les prétendues minorités des pays européens, que le co-président  de l'Institut franco-allemand de Berlin se désole que les Alsaciens ne se battent pas pour plus d'autonomie et juge "malsaines les bases françaises d'État-nation", etc...
Bref, la renaissance des régions et des langues n'est pas anodine, elle est voulue et encouragée par l'Allemagne pour casser la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne, c'est-à-dire les vieilles nations au profit de l'organisation politique telle que les Allemands l'ont toujours conçue: autour du couple  "petite patrie charnelle" locale et empire, qu'on appelait autrefois le couple heimat-reich, aujourd'hui land-bundesrepublik et demain régions européennes-Europe fédérale à direction allemande.
Rassérénons-nous  par une histoire belge: nous croyions bêtement que la querelle linguistique en Belgique opposait les Wallons francophones aux Flamands néerlandophones et quelques belges germanophones. Quelle erreur! La Wallonie est une multitude beaucoup trop considérable pour avoir une langue commune! Il y a au moins six "langues" différentes, le "wallon", le "lorrain", le "champenois" etc, si l'on en croit le site qui milite pour une Wallonie libre, dans (bien entendu) une Europe fédérale.

Quelle est donc cette langue wallone? Le site en propose quelques extraits: "tu m'écoutes, oui ou non" se dit "Tè m'ascoûtes, oyi ou non". Mais attention, pas de jacobinisme égalisateur dans la partie de la Wallonie qui parle le «wallon». Il convient de respecter les particularismes locaux des bourgades entre Chàlewè et Lidge (Charleroi et Liège); ainsi la phrase précédente se dit différemment suivant les lieux: on peut entendre "Tu m'choûtes, ây û nonnè" ou encore "Ti m'hoûte, oyi ou nonna". Ces particularités sont bien compréhensibles: pour une raison qui nous échappe, la langue «wallone» ne semble pas avoir été fixée par une grammaire et un dictionnaire.
Il est vrai que la plupart des grammairiens belges, à commencer par Grévisse, se sont surtout consacrés à la langue française, souvent avec brio. Par aliénation culturelle sans doute.



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