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Les
élections européennes: un succès mitigé (juin
99)
Les eurosceptiques ont-il
lieu de se réjouir du résultat élections européennes?
Ces élections ont apporté des éléments contrastés.
Pour les eurosceptiques, le bilan semble globalement positif, comme disait
un politicien regretté.
Abstention massive
Le seul fait incontestable
est l'ampleur de l'abstention. Il faut remonter au référendum
sur la Nouvelle Calédonie et au deuxième tour des cantonales
de 1988 pour retrouver une abstention aussi massive depuis l'après
guerre. Bien entendu, l'interprétation de ce fait est sujette aux
interprétations tendancieuses: les européistes affirment
une fois de plus, que "les sondages soulignent qu'ils [les Européens]
veulent plus d'intégration européenne et non pas moins" (le
Monde
15/6/99). et par conséquent, cette
abstention ne traduirait pas un désintérêt pour
l'Europe. Brandir les "vérités" scientifiques des sondages,
un jour après que ces instituts se furent à nouveau ridiculisés,
est assez hardi... Pour notre part, nous pensons que l'abstention de plus
de 120 millions d'Européens a plus de poids que les réponses
de 4.000 Européens aux sondeurs.
Nous pensons bien évidemment
que c'est le désintérêt des Européens pour l'Union
européenne qui explique l'abstention massive, mais nous ne nous
en réjouissons pas. Il est heureux que le bon sens des peuples européens
les amène à considérer l'Union européenne comme
une institution inutile qui ne les concerne pas. Il est cependant regrettable
que ces évidences les conduisent dans l'abstention et l'indifférence,
au lieu de les inciter à voter pour les eurosceptiques de droite
ou de gauche comme c'est le cas en Grande-Bretagne: là-bas, les
européistes sont restés chez eux alors que les eurosceptiques
se sont mobilisés: les Tories y ont remporté un succès
inattendu, le petit parti de l'indépendance (qui milite pour le
retrait de la Grande-Bretagne de l'UE) a enregistré une percée
(à 8%) alors que les européistes Lib-Dem et travaillistes
ont subi un revers.
Vers une disparition du RPR?
La bonne nouvelle de ce
scrutin est bien entendu l'effondrement de la liste européiste RPR/DL.
Il est devenu évident que le RPR n'a plus rien de gaulliste, qu'il
s'est totalement giscardisé, par la grâce de Chirac et de
Juppé. Dès lors qu'il est pris en tenaille entre l'UDF et
le nouveau RPF de Pasqua-Villiers, sa dispartition est évoquée
ici et là. Son éclatement serait une fantastique nouvelle
pour la France, car qui ne voit pas que c'est l'existence du RPR qui constitue
l'obstacle à l'éclosion d'un parti qui ait pour article de
foi la liberté de la France?
Il est cependant à
craindre que la veulerie des élus RPR conduira ceux-ci à
rester à l'écart de l'entreprise de Pasqua, et, à
l'image de Séguin, préférer leur carrière à
leurs convictions. En outre, les auteurs de ce site ont perdu suffisamment
de leur temps au RPR pour connaître le caractère grégaire
de ses militants. Les politologues distingués présentent
souvent le RPR comme un parti bonapartiste, avec des militants qui témoigneraient
à l'égard de leur chef une fidélité digne des
grognards de l'Empire. C'est exact et c'est devenu consternant: l'adhésion
sans borne à la politique et à la personne de De Gaulle ou,
à un degré moindre Pompidou, était compréhensible
et justifié, mais comment qualifier l'attitude de militants qui
restent attachés à un individu qui a trahi les idées
gaullistes et qui a de facto réintégré le commandement
de l'OTAN, sinon par un vieux mot français de trois lettres, ou
plus prosaïquement par les subsides que les municipalités RPR
clientélistes versent généreusement?
En bref, l'abandon par le
RPR de la défense de l'indépendance nationale et des
autres idées gaullistes milite pour la disparition du RPR, mais
qui est assez naïf pour croire que les idées gouvernent le
monde? Trop d'intérêts particuliers militent pour sa survie
artificielle.
Le score des autres européistes
La déception de dimanche
est pour nous le score élevé des deux listes fondamentalistes-
européistes, celles de Cohn-Bendit et de Bayrou, les deux dépassant
9%.
Plus réconfortant
est le résultat calamiteux de la liste Hue. Avec moins de 7%, il
s'agit d'un des plus mauvais score du PC. Qu'ont voulu sanctionner les
électeurs communistes? La participation du PC à un gouvernement
qui a participé à une guerre américaine, comme le
prétend Robert Hue? Peut-être. Mais la présence sur
la liste de partisans du traité de Maëstricht et le tournant
quasi-européiste du PC ont probablement pesé aussi et provoqué
la désertion d'une partie de l'électorat communiste habituel.
Plus rassurant encore, le
mauvais score de la liste crypto-fédéraliste PS/MDC/PRG.
Car il s'agit bien d'un mauvais score, bien que les médias, une
fois de plus unanimes, nous aient assuré du contraire.
Avec environ 22%, la liste
Hollande dépasse certes largement le résultat calamiteux
de Rocard d'il y a cinq ans, mais c'est oublier que, en 1994, la gauche
non communiste s'était répartie sur trois listes: la liste
socialiste de Rocard (14,5%), la liste chevènementiste (2,2%) et
la liste radicale de Tapie (12%), soit un total de presque 30%. Cinq ans
après, la liste commune des trois partis a perdu le quart de ce
total. Elle est certes arrivée en tête, mais son recul de
8 points, s'il est certes moins impressionnant que l'effondrement du RPR,
peut difficilement passer pour un triomphe. C'est le plus mauvais score
de la gauche non communiste depuis 15 ans.
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non communiste |
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1999 |
21,8% |
Liste
unique
PS+ radicaux +chevènementistes |
1994 |
29,1 % |
PS
(Rocard) 14,5%
Radicaux (Tapie) 12,0 % MDC (Chevènement) 2,6% |
1989 |
23,6 % |
Liste
unique
PS+Radicaux (MDC n'existe pas encore) |
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24% |
PS(Jospin)
20,7%
Radicaux (Doubin) 3,3% |
Le score
de Pasqua
Bien entendu, pour nous
la meilleure nouvelle fut le score de la liste Pasqua-Villiers. Joie sans
mélange? Pas tout à fait, car avec plus de 13%, Pasqua est
certes arrivé en deuxième position et en tête de la
droite, ce qui a frappé les esprits, mais ce score traduit une stagnation
par rapport à celui de Villiers en 1994. En cinq ans, les idées
eurosceptiques n'ont guère progressé, alors même que,
avec la naissance de l'euro en 99, le pacte de stabilité en 96 et
le traité d'Amsterdam en 97, la fédéralisation de
l'Europe s'est durcie.
Plus réjouissant, l'analyse département par département montre que la composition de l'électorat eurosceptique a changé: en 94, la liste Villiers remportait ses succès dans les régions rurales et catholiques, et ne mobilisait presque personne dans les quartiers populaires, ce qui laissait penser que son électorat était essentiellement les conservateurs attachés aux valeurs traditionnelles. Cet électorat est autant respectable qu'un autre, mais il est numériquement limité et ce n'est pas sur lui qu'on construira l'avenir. Aujourd'hui la liste Pasqua-Villiers remporte des succès plus homogènes dans tout le pays (sauf en Alsace, en Bretagne et dans le Sud Ouest). Cette plus grande diversité de l'électorat est de bon augure: elle pourrait constituer la base d'un nouveau parti authentiquement gaulliste, qui abandonnerait les énarques carriéristes pour retrouver ce que Malraux appelait le métro à 17 heures.
Construisons
la grande Europe de la prostitution! (juin 99)
Certains râleurs eurosceptiques
prétendent que la commission de Bruxelles est tatillonne pour des
questions insignifiantes mais se désintéresse des questions
de santé: elle aurait longtemps négligé la "maladie
de la vache folle" notamment.
Voilà de quoi clouer
le bec de ces rabat-joie: on apprend qu'il existe un manuel destiné
aux prostituées sado-masochistes. Ce manuel, intitulé Hustling
for health (tapiner pour la santé) prodigue aux intéressées
de précieux conseils: ainsi, est-il recommandé de stériliser
ses fouets entre deux usages. Qui finance cette saine entreprise de salubrité
publique? La commission européenne, du moins partiellement (Le
Monde 18/6/99).
Il est heureux que la commission
de Bruxelles se soit ressaisie et se soucie d'améliorer la vie de
tous les jours.
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On pourra
enfin envisager de construire une grande Europe de la prostitution. Car
qui, sinon quelques frileux, n'en voit pas l'urgente nécessité?
À l'heure de la mondialisation, les nations sont dépassées
pour exister dans le monde. On l'a compris pour la monnaie, les monnaies
européennes ne peuvent rivaliser avec le dollar, pourquoi ne le
comprend-on pas pour la prostitution? Dans ce domaine, les nations européennes
seules ne peuvent pas rivaliser avec l'Asie et doivent donc unir leurs
efforts.
Les éternels défaitistes
objecteront que la sensiblerie européenne répugnera à
satisfaire le goût d'une partie de la clientèle pour les très
jeunes travailleuses, si bien que l'Europe, même unie, rivalisera
difficilement avec la Thaïlande. Pas du tout, il ne faut pas désespérer!
Certains entrepreneurs astucieux,notamment Marc Dutrout en Belgique, ont
montré que les Européens n'ont pas dit leur dernier mot,
et qu'avec un peu d'audace pour surmonter des préjugés d'un
autre âge et beaucoup d'esprit d'entreprise, les très jeunes
Européennes étaient des concurrentes crédibles face
aux petites Thaïlandaises qui peuvent aller se rhabiller...
Aussi, les raisons qui poussent
les Européens à tenter d'harmoniser leur législations
fiscales devraient les inciter également à harmoniser leurs
lois sur la prostitution de manière à mettre en oeuvre une
politique de la prostitution commune.
Existe-t-il une chance que
les pays de l'Union européenne réalisent ce grand projet?
C'est hélas peu probable, tant les positions sur ce commerce anodin
sont divergentes en Europe: ainsi, depuis le début de l'année,
la Suède
"interdit l'«achat de services sexuels»"
et "«criminalise» les clients, passibles désormais
de six mois d'emprisonnement. (Le Monde 30/12/98), alors que
la prostitution est presque révérée comme un service
public en Hollande et que la France quant à elle, montre une fois
de plus son incapacité à se réformer en s'arc-boutant
sur une convention poussièreuse adoptée par les Nations Unies
le 2 décembre 1949, qui indique que "la prostitution et le mal qui
l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue
de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur
de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l'individu,
de la famille et de la communauté". (idem)
Une fois de plus, à
cause de l'obstination passéiste des Français et de quelques
autres, une chance de fédéraliser davantage l'Europe s'éloigne...
Des
querelles théologiques en perspective (juin 99)
Relire Proust, disait Jouhandeau
(à moins que ce ne soit un autre) est un plaisir toujours renouvelé:
comme on ne saute jamais les mêmes passages, on y découvre
chaque fois des aspects qu'une lecture précédente avait négligés.
Le traité de Maëstricht
procure également ce genre de bonheur littéraire: une première
lecture, d'évidence trop négligente, ne nous avait pas permis
de nous souvenir que "une dérogation au sens du paragraphe 1 implique
que les articles ci-après ne s'appliquent pas à l'État
membre concerné: article 104C, paragraphes 9 et 11, article 105
paragraphes 1,2,3 et 5, article 105A, 108A et 109A paragraphe 2 point b."
(Article 109 K-3 Traité de Maëstricht 10/18 p.159).
Le plaisir du texte ne motivait
pas seulement une relecture de quelques pages du traité de Maëstricht.
Il s'agissait aussi de nous faire une idée sur la vive querelle
entre Français et Allemands que l'article 109 du traité a
suscitée. Objet de la contreverse: qui est chargé de la «communication»
sur l'euro, le président de la Banque centrale ou chaque ministre
des finances et président de banques centrales des onze pays
de l'«Euroland»? Les Allemands, que la cacophonie de commentaires
sur l'effondrement de l'euro a courroucés, auraient souhaité
y mettre un terme en réservant au seul patron de la BCE, le droit
de dire son avis sur le taux de l'euro face au dollar. Brandissant le traité
de Maëstricht, les Français (appelons-les ainsi par commodité...)
rétorquent que "l'article 109 précise que le conseil [européen,
i.e. la réunion des chefs d'États ou de gouvernement]
«peut» formuler les orientations générales de
change" (Le Monde 9/6/99).
Les Allemands contestent cette interprétation et affirment que le
conseil n'a voix au chapitre qu'en cas de circonstances exceptionnelles
et par la voix exclusive de son président.
Les profanes que nous sommes
se garderont bien de trancher cette importante question. Ils observent
simplement que les traités européens ne sont pas des
petits livres rouges, et qu'ils peuvent donner lieu à
des contreverses de théologiens. Si bien que l'on assistera peut-être
à la naissance d'un nouveau métier, la maëstrichtologie
qui serait chargée de l'interprétation des textes saints.
Ce serait une bonne nouvelle
pour ceux que la disparition de l'objet de leurs études a réduits
au chômage. Ainsi les constitutionnalistes multimédias que
sont Guy Carcassonne, Olivier Duhamel et le bon doyen Vedel ne devraient
pas connaître le drame de l'exclusion que vivent les kremlinologues
Carrère d'Encausse ou Heller, depuis la disparition de l'URSS. La
constitution de la Vè République va bientôt tomber
en désuétude, du fait de l'Union européenne? Peu importe!
Ces constitutionnalistes mettront désormais leur sagesse impartiale
et leur érudition reconnue au service de l'étude et de la
vulgarisation des traités de Maëstricht et d'Amsterdam.
Ne négligeons pas
trop les petites chamailleries théologiques. Les querelles religieuses
(sur l'existence de dieu, sur la construction de l'Europe, etc...) paraissent
confuses et absurdes aux mécréants, car elles ne se règlent
pas, par définition, avec des arguments rationnels. Elles peuvent
cependant avoir des conséquences spectaculaires. La grave querelle
du filioque, (le Saint-Esprit procède-t-il de dieu le père
seulement, ou aussi de son fiston?) n'a-t-elle pas été à
l'origine du schisme grec (en 1054) qui a coupé la chrétienté
en deux? Nous ne serions pas surpris qu'une broutille insignifiante soit
à l'origine de la désintégration de l'«Euroland».
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