. actualité n°24 mars 2000 (2)
 
 ACTUALITÉ
[24]
Quelques commentaires, sérieux ou frivoles,
sur l'actualité européenne.
Francité
 


 
Les Français se ruent sur l'euro27 mars 2000

Les très légères corrections qui ont affecté l'euro sur les marchés des changes depuis sa création (-18% face au dollar, -20% face au yen, -15% face à la livre) ne sauraient toutefois pas masquer un fait éclatant: le triomphe de l'euro auprès des consommateurs et des entreprises. 
Nul ne l'ignore, depuis le 1er janvier 1999, les Français ont la possibilité d'abandonner leur stupide chéquier en francs et leur carte bleue qui a l'air d'une idiote sans le sigle €, au profit des sympathiques et modernes moyens de paiement en euros. Les commerçants, quant à eux, ont rivalisé de débrouillardise pour être les premiers à afficher sur leur devanture le logo officiel et ainsi répondre à l'impatience des Français de pouvoir utiliser enfin la nouvelle monnaie.

Nul besoin d'attendre 2002, 
pour commencer la grande aventure de l'euro au quotidien
Un chéquier en euros
Le logo des commerçants acceptant l'euro
 

Depuis quinze moins que cette possibilité exaltante leur est offerte, les Français se sont bousculés pour utiliser les nouveaux modes de paiement. Chaque mois depuis août 99, l'Association Française des Banques (AFB) publie sur son site internet la proportion des règlements en euros, en nombre et en montant, selon les différents moyens possibles (chèques, cartes, virements...). D'après le rapport du mois de février que l'AFB vient de mettre en ligne, les Français se sont rués sur leur chéquier en euros. Cet engouement qui ne se dément pas a permis de franchir deux seuils historiques. Il est curieux que la presse ne se soit pas étendue sur cet événement encourageant: pour la première fois depuis la brève histoire de l'euro, la proportion des chèques en euros a dépassé la barre des 0,1%! Si l'on considère les montants émis par chèque en février, un autre plafond a été crevé: celui des 1%. (Le mois dernier, le montant total des chèques en euros a représenté 1,08%). 
Les paiements par cartes en euros ont été également plébiscités en février: 0,03% des opérations par cartes en France, le furent par une carte en euros! Ces nombreuses opérations représentaient pas moins de 0,75% du montant des paiements par cartes, en très nette progression par rapport à janvier où ce chiffre n'était que de 0,7%. 
Tous les autres paiements en euros sont en hausse, à l'exception des prélèvements en euros qui accusent une légère baisse bien compréhensible: le mois de janvier avait été excellent, avec une part de 0,37% pour l'euro. 
Pour les Titres interbancaires de paiement (TIP), les proportions publiées par l'AFB sont scandaleusement arrondies! Elles sont constamment données à 0,00% depuis sept mois! Bien entendu, de très nombreux TIP en euros ont été émis: en février, on en a recensé 110, pas un de moins. Sur un total de 11.600.626 TIP envoyés, la part de l'euro pour ce mode de paiement a donc été de 0,0000948%, ce dont l'arrondi simpliste de l'AFB à 0,00% ne rend pas compte.

Les aigris et les eurosceptiques prétendront sans doute que l'euro semble aussi populaire auprès des Français que des salles de marchés. Il n'en est rien! Une faible utilisation ne prouve pas un faible attachement, bien au contraire. Pour les Français, l'euro est la chose la plus sacrée: ils n'y touchent pas.

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Le mythe de la souveraineté partagée à l'épreuve de l'affaire du FMI20 mars 2000

Construire l'Europe, ce n'est pas abandonner sa souveraineté, jurent les européistes la main sur le coeur. Bien au contraire! Il s'agit de la renforcer, en la partageant. Car à l'heure d'internet, de la mondialisation etc, un pays européen seul n'a pas la taille critique pour exercer pleinement sa souveraineté, est il assuré. Il doit impérativement s'associer aux autres au sein d'un ensemble plus vaste où la souveraineté est exercée de manière collective, nous assurent-ils. 
La querelle autour du poste de directeur du Fonds Monétaire International (FMI), laissé vacant par la démission du «Français» Michel Camdessus, vient apporter une bien jolie illustration de la réalité de la souveraineté partagée. 
Par tradition, la direction du FMI échoit à un Européen, celle de la Banque Mondiale revenant à un Américain. Les naïfs pensent probablement que les Européens se sont donc réunis pour examiner une liste de candidats européens potentiels et décider de soutenir en commun celui qui est jugé le plus apte. C'est ce qui ce serait passé si la «souveraineté partagée» était autre chose qu'un bobard européiste auquel la désignation du candidat européen apporte un démenti. 
À l'heure de l'Europe, la nationalité du candidat compte-t-elle? 
À l'heure de l'Europe bientôt fédérale, peu importe la nationalité du candidat, nous jure-t-on: il n'y a plus ni Français, ni Anglais, ni Allemands... Il n'y a plus que des citoyens européens. "Pour le ministre de l'économie, Werner Müller, la question de savoir si le poste doit être pourvu par un Allemand ou un Français «devrait être secondaire dans une Europe en cours d'intégration». M.Müller est un proche du chancelier Schröder, qui a fait du succès de la candidature de M. Koch-Weser [le premier candidat allemand] une affaire personnelle." écrit Le Monde (29/1/2000). Pourtant le Financial Times (1/3/00) écrit que "le gouvernement allemand était frustré que le poste au FMI ait longtemps été occupé par un Français". Si l'on comprend bien, quand un Français exerce une fonction internationale, ce plouc, cet untermensch, reste bêtement français, il n'est que le représentant d'un tout petit pays arrogant. En revanche, quand un Allemand occupe la même place, c'est l'Europe tout entière qui doit se sentir honorée et le soutenir. Car l'Allemagne seule sait sublimer ses intérêts et incarner l'essence même de l'Europe. Ne l'a-t-elle pas toujours démontré? 
Un Allemand sinon rien 
Il était donc essentiel que la direction du FMI soit occupée par un Allemand et par personne d'autre qu'un Allemand. "Dès  l'annonce de la démission de Michel Camdessus, début novembre 1999, l'Allemagne a revendiqué le droit à ce poste prestigieux, faisant du succès de M.Caio Koch Weser une question d'honneur national. Elle a empêché d'autres candidatures européennes de se manifester et est restée sourde aux mises en garde lancées par ses partenaires." (édito du Monde 1/03/00) La détermination allemande à obtenir ce poste a été si brutale, si maladroite, et si entêtée -en un mot, si allemande- que même la presse pro-allemande en a été choquée: Le Point (3/3/2000) parle d'une "singulière brutalité", le Financial Times (1/2/00) dénonce "la diplomatie du porte-voix", Le Monde parle de "mois d'aveuglement allemand" (14/3/00).

 

Caio Koch Weser
Horst Köhler
 
Les deux «Européens» candidats successifs au FMI. Dignes de diriger le FMI? Peu importe! ils sont allemands...

 

La compétence de l'intéressée était une question tout à fait secondaire. Seule sa nationalité allemande importe. Obscur vice-ministre des finances, Caio Koch Weser était de l'avis général trop terne, manquant d'envergure, mais personne n'a osé contester le choix de Schröder, au nom d'un prétendu "devoir de solidarité envers le chancelier" (Le Point 3/3/00): au sommet d'Helsinki en décembre 99, "personne n'ose dire non, de peur d'humilier les Allemands. Les Anglais ne se manifestent pas, les Italiens font semblant de soutenir le candidat allemand. Chacun compte sur les Français (...) pour envoyer des signaux aux Allemands." (Le Monde 14/3/00).

 

Ne pas humilier l'Allemagne, c'est la suivre jusque dans ses erreurs et ses entêtements, semble-t-il. Et ce "devoir de solidarité" s'applique envers l'Allemagne et uniquement envers l'Allemagne. (on rappellera qu'à l'automne 95, seule la Grande-Bretagne avait voté contre la résolution des Nations Unies condamnant la France pour ses essais nucléaires. L'Espagne et l'Allemagne s'étaient abstenues, les autres membres de l'Union européenne l'avaient votée. Envers la France, le "devoir de solidarité" n'existe pas). 
À ce jour le feuilleton du FMI n'est pas terminé: Caio Koch Weser a retiré sa candidature qui n'a enthousiasmé ni les Américains ni le reste du monde et, après à peine plus de consultations que pour  Koch Weser, Schröder a avancé le nom d'un autre de ses compatriotes, Horst Köhler, ancien vice- ministre des finances d'Helmut Kohl et actuel président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Malgré des réticences en Italie, les Quinze ont ratifié ce choix.

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L'Allemagne impose; les quatorze s'inclinent, mais n'en pensent pas moins. L'anschluss de l'Allemagne sur le FMI n'est pas, contrairement à ce qu'écrit la presse européiste, une maladresse supplémentaire de Schröder; c'est le fonctionnement ordinaire de l'Union européenne, quand l'Allemagne estime l'enjeu important. On rappellera entre autre la reconnaissance de l'indépendance de la Croatie imposée à l'UE en 1991, le rappel en 1996 des 15 ambassadeurs de l'UE en Iran quand un tribunal allemand décréta qu'un attentat terroriste à Berlin avait été fomenté «au plus haut sommet de l'État iranien»... 
Cette affaire rappelle pour ceux qui en doutaient encore que la «souveraineté partagée» tellement vantée par les européistes est une imposture et qu'il convient de parler de souveraineté abandonnée à l'Allemagne.

 

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