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Des
référendums en perspective en Suède et au Danemark
(mars 2000)
Chic! Bientôt des
référendums sur l'Europe. Pas en France, bien entendu. En
France, la délicieuse classe politique se fonde sur le seul référendum
qu'il n'y ait jamais eu (celui de Maëstricht en 1992) pour ne plus
consulter le peuple.
Les référendums
en question auront lieu au Danemark le 28 septembre 2000 et en Suède
à une date encore inconnue. Dans les deux cas la question posée
concernera la participation à l'euro (que les Danois ont refusée
par référendum en juin 92 et que le gouvernement suédois
a reportée en 1997)
La situation politique au
Danemark et en Suède est assez classique: les prétendues
élites et la classe politique sont pour, les opinions semblent contre.
La classe politique doit donc utiliser les vieilles méthodes de
l'européisme: l'intox, le mensonge, l'agitation de peurs injustifiées.
Les Danois
comme les Suédois restent majoritairement eurosceptiques.
Depuis le référendum
de juin 1992, les Danois ne semblent pas s'être résolus à
abandonner leur souveraineté monétaire:
Le Danemark est plus eurosceptique que jamais: l'affaire des sanctions contre l'Autriche y est devenue une véritable bombe politique. Depuis plusieurs jours, le Premier ministre, Poul Nyrup Rasmussen, un social-démocrate, est sommé de s'expliquer sur les libertés qu'il a prises avec la Constitution danoise en se ralliant aux treize autres chefs de gouvernement et d'Etat de l'UE sans avoir consulté au préalable le puissant comité parlementaire danois des Affaires étrangères. Le débat a enflammé la classe politique, qui tout en condamnant unanimement les thèses nationalistes de Haider, n'en a pas moins tenu à réaffirmer son indépendance de vue vis-à-vis de Bruxelles, fidèle à sa réputation eurosceptique. (Libération 12-13/02/00)
Et l'Economist
Intelligence Unit du 13 mars (groupe d'études et de prévisions
de The Economist) est bien imprudent quand il s'attend à
"une légère majorité pour le «oui» au
référendum et une adhésion du Danemark dès
2002", malgré les "deux récents sondages effectués
les 9 et 10 mars qui ont conclu à une majorité en faveur
de la monnaie unique pour l'un, et une victoire des anti-euro pour l'autre".
En Suède, une récente
mesure de la commission européenne a renforcé l'euroscepticisme
ambiant: début mars, la commission a refusé la fusion des
fabricants suédois de poids lourds Volvo et Scania, alors que de
nombreux fleurons des entreprises suédoises ont été
rachetées par des groupes étrangers et que d'autres ont déplacé
une partie de leur siège à Londres ou à Bruxelles.
"Cette décision influencera probablement l'opinion publique suédoise
qui est déjà très sceptique sur la monnaie unique.
«Les Suédois réagiront très mal si deux des
entreprises les plus connues sont avalées par des rivaux étrangers
à cause de la Commission», indique une source gouvernementale.
Un sondage Gallup publié jeudi a montré un renforcement de
l'opinion anti-monnaie unique, avec 37% des Suédois contre l'euro,
35% pour et 28% indécis. Le mois précédent, les "pour"
étaient 42% et les "contre" à 34%. Gallup a indiqué
que l'affaire Volvo-Scania était un élément déterminant
dans le retournement." (Financial Times 09/03/00)
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L'intox
européiste
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"M.Persson
argumente que l'appartenance à la monnaie unique rendra le pays
moins vulnérable à la spéculation sur les devises.
Le souvenir de l'attaque de la couronne en 1992 est toujours vif: les taux
d'intérêt, par une tentative désespérée
de défendre la monnaie, montèrent alors bièvement
à 500%. M.Personn argumentera également que la Suède
et l'UE ont des buts communs, notamment dans des domaines tels que le combat
contre le chômage" (Financial Times 09/03/00)
"Seul l'euro permet de conserver
le modèle social danois!", "Seul l'euro préserve la Suède
de la spéculation et des taux d'intérêt élevés!",
"il n'y a pas d'autres choix possibles". On le voit, les slogans des européismes
scandinaves ont un air connu en France. Une preuve supplémentaire
que, sous toutes les latitudes, la lie des partisans de l'Europe est bien
la même.
Rester hors de la zone
euro: un choix judicieux
Les menaces et les peurs
qu'agitent les premiers ministres suédois et danois sont-elles fondées?
Si l'on compare les statistiques économiques de la Suède,
du Danemark, et des deux autres pays de l'UE qui n'ont pas adopté
l'euro, avec celles de l'«Euroland», la balance penche en faveur
des premiers.
Chomâge, inflation, déficits, croissance: Les 4 pays de l'UE hors de l'«Euroland» font mieux.Quel intérêt les Suédois et les Danois auraient-ils à rejoindre l'«Euroland». Rentrer dans une zone paradisiaque au chômage bas, avec peu d'inflation, une croissance forte et des administrations publiques aux finances équilibrées et moins endettées? Non, car à l'exception de la Grèce, les 4 pays de l'UE qui n'ont pas adopté l'euro accomplissent des performances nettement meilleures que les pays de l'«Euroland», comme le montre le tableau ci-dessous.
Les
avantages de
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ne pas avoir l'euro |
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Des taux d'intérêt plus bas hors de l'«Euroland» L'affirmation européiste selon laquelle "Les Danois, les Suédois et même les Britanniques constatent que l'euro leur offre, par procuration, une stabilité des échanges favorable à la croissance. Passer dans l'euro, c'est obtenir un taux un change plus équilibré et un bas niveau des taux d'intérêt, autant de raisons non négligeables" (édito du Monde 11/3/00) est tout simplement fausse: selon le Financial Times (16/03/00) les analystes financiers pronostiquent que les taux d'intérêt payés par le gouvernement suédois pour sa dette publique, "vont bientôt tomber en dessous de ceux de l'Allemagne". En Grande-Bretagne également, le coût de la dette publique est moindre: "La BCE [Banque Centrale Européenne] est vexée et furieuse que le Royaume-Uni, grâce à ses excédents budgétaires, possède des rendements inférieurs à ceux en vigueur dans l'Euroland! Au-delà du handicap financier pour tous les États membres de l'Union monétaire, la blessure est surtout d'amour-propre." écrit Le Monde (17/06/00) (en contadiction flagrante avec l'édito de six jours plus tôt, mais qui cela surprendra?) Quelle découverte! pour bénéficier de taux d'intérêt bas, mieux vaut inspirer confiance aux marchés par un État bien géré qu'appartenir au monstre imbécile et informe qu'est l'«Euroland».
Quelles
seront les conséquences en France?
Quelle que soit l'issue
des deux référendums scandinaves, il y aura probablement
des conséquences appréciables en France.
Si le «oui»
l'emporte, bien entendu, les européistes français exulteront.
Cependant, l'entrée de deux pays supplémentaires dans l'«Euroland»
rendra celui-ci encore moins homogène et moins viable. Comme le
répètent sans cesse les européistes, une Europe qui
marche difficilement à 15, ne peut pas marcher à 20 ou 30.
Il en va de même pour l'«Euroland»: un euro qui ne marche
pas à 11, marchera encore moins à 13.
Si le «non»
l'emporte, on pourra peut-être briser l'omertà européiste
sur l'opportunité de l'euro, voire susciter de nouvelles vocations
eurosceptiques en France. (on se souvient que certains ténors du
«non» à Maëstricht avaient attendu le vote des
Danois pour se rendre compte des dangers du traité; par charité
eurosceptique on ne rappellera pas les noms...). À défaut,
on se contentera du dépit des européistes. Dépit de
courte durée, à n'en pas douter, car on reposera la question
aux Scandinaves une troisième, une quatrième, une énième
fois s'il le faut.
L'«Euroland»,
c'est un peu comme le paradis pour les chrétiens. Tous espèrent
y entrer un jour, mais aucun n'a l'air très pressé.
Le
souverainisme québécois et le «souverainisme»
français: ne mélangeons pas les serviettes et les torchons!
avertissent le Pr Julliard et la Céline Dion du PQ (mars 2000)
Un peu de terminologie.
Si sur ce site, on utilise le mot souverainiste entre guillemets et on
préfère le mot eurosceptique, c'est que le «souverainisme»
désigne une réalité québécoise qui ne
ressemble guère au rejet de l'Europe fédérale: les
souverainistes québécois luttent pour obtenir une souveraineté
qu'ils n'ont jamais eue, alors que les «souverainistes» français
refusent de perdre une souveraineté vieille de plusieurs siècles.
Le mot «souverainiste» n'est guère utilisé dans
ces pages, c'est qu'il paraît inapproprié, mais certainement
pas infamant.
De l'autre côté
de l'Atlantique, certains ne l'entendent pas de cette oreille et ont fait
savoir qu'il ne fallait pas tout confondre. Louise Beaudouin ministre des
relations internationales du Québec a publié dans Le Monde
(10/02/00) une tribune pour mettre les choses
au point.
(Voir
la tribune de Louise Beaudouin)
Louise Beaudouin affirme
que le souverainisme québécois et son homonyme français
"recouvrent des réalités fort différentes",
ce que l'on admet bien volontiers, mais ce n'est pas tout: "le souverainisme
québécois a beaucoup d'affinités avec une construction
européenne fondée, comme l'expliquait récemment Philippe
Séguin devant les parlementaires québécois, sur des
nations dont l'existence et la spécificité doivent être
préservé". Lucien Bouchard, Jacques Delors, même
combat? Si tel est le cas, il va falloir reconsidérer la
sympathie que l'on éprouve pour le souverainisme québécois...
Mais il est vrai que si
les sources d'informations de Louise Beaudouin sur la construction européenne
proviennent du renégat Philippe Séguin, il n'est guère
étonnant que son article, béat d'admiration pour la construction
européenne, "ce rêve moderne de Jean Monnet", soit
un tissu d'âneries.
"Ainsi en va-t-il pour le «souverainisme». Concept d'usage fort ancien au Québec, relativement récent en France. Or, force est de constater - sans qu'il soit question, par quelque jugement de valeur que ce soit, de s'ingérer dans les affaires intérieures françaises - que les deux vocables recouvrent des réalités fort différentes." Tartuffe va! On ne mélange pas les torchons et les serviettes. On n'a rien de commun avec ces gens-là, les «souverainistes» français, semble-t-elle écrire. Mais cela dit sans jugement de valeur, bien entendu.
"la politique canadienne de multiculturalisme renvoie chaque immigrant à sa communauté d'origine". C'est exactement ce que fait l'Union européenne: le communautarisme à l'américaine est encouragé et financé par les fonds de Bruxelles. On se reportera au site de l'association anglaise OBV (Operation Black Vote) pour s'en convaincre. OBV est une association de promotion du communautarisme ordinaire. OBV incite les Noirs britanniques à considérer leur appartenance ethnique comme le fondement de leur vie civique. Est-elle ouverte sur les pays étrangers pour bénéficier des subsides de l'UE? Très partiellement: sa solidarité se limite à "leurs frères et soeurs, les Noirs européens", En bon communautariste, OBV a ses fichiers raciaux à jours, et estime à 18 millions ces "frères" noirs européens.
"La souveraineté du Québec est un projet «inclusif». Elle facilitera l'intégration des immigrants. Le français, langue officielle du Québec depuis 1974, devient de plus en plus, grâce à la Charte de la langue française adoptée en 1977, la langue commune de l'ensemble de ses citoyens, dans le plein respect de la place historique de la minorité anglophone." En promouvant les langues (sic) régionales (re-sic) ou plus exactement les patois ethniques, comme le fait le Conseil de l'Europe, facilite-t-on vraiment l'intégration des immigrants?
"Si, du référendum de 1980 à celui de 1995, le projet d'un Québec souverain a progressé de 40% à 49,5% des voix, c'est que de plus en plus de Québécois ont compris que leurs aspirations étaient devenues impossibles à satisfaire dans les structures politiques canadiennes." Peut-être. Au moins les Québécois ont eu la chance d'avoir deux référendums et en auront peut-être un nouveau dans les années à venir. Au Québec, un référendum perdu ne signifie pas renonciation pour l'éternité. En France, rien de tel: les européistes s'appuient sur le seul référendum qu'il y ait jamais eu sur la fédéralisation de l'Europe pour prétendre qu'en ratifiant le traité de Maëstricht, les Français se sont prononcés par avance sur tout abandon ultérieur de souveraineté.
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"En somme, le souverainisme québécois a beaucoup d'affinités avec une construction européenne fondée, comme l'expliquait récemment Philippe Séguin devant les parlementaires québécois, sur des nations dont l'existence et la spécificité doivent être préservées" (...) "La souveraineté [québécoise] ouvre, par exemple, la possibilité d'une union économique Canada-Québec qui reconnaîtrait pleinement l'existence de deux «joueurs», de deux nations, évoluant avec les peuples amérindiens dans le respect des choix de chacun." L'existence des nations préservées par l'Union européenne? Actuellement, encore partiellement mais le but inavoué des européistes est de les abolir et de faire de la nation une "affaire privée, comme l'est devenue la religion, dissociée de l'État", selon les mots de Coudenhove-Kalergi, le fondateur du Mouvement pan-européen et co-fondateur du Conseil de l'Europe. Adenauer, quant à lui, écrivait en 1946 "Mon objectif est de rêver qu'un jour nous puissions applaudir les États-Unis de l'Europe."
«Souveraineté» signifie d'abord chez nous la fin de ce qu'on a appelé à tort la confédération canadienne, une imposture plus que centenaire qui n'a jamais eu rien à voir, depuis sa fondation victorienne, avec le rêve moderne de Jean Monnet: réunir des nations, au coeur de l'Europe, par le partage mutuellement consenti de la souveraineté. Jean Monnet a écrit "Les nations souveraines du passé ne sont plus le cadre où peuvent se résoudre les problèmes du présent." Le "rêve moderne" de Monnet n'est pas de "réunir des nations" par un "partage" de souveraineté, mais, par des abandons de souveraineté, de créer un État fédéral à côté duquel l'État canadien actuel sera un hâvre de décentralisation.
Visiblement,
Louise Beaudouin ne connaît rigoureusement rien à la construction
européenne sur laquelle elle disserte de manière péremptoire.
Si l'on consulte son CV sur le site du ministère
des relations internationales, on constate qu'elle n'a passé
que deux ou trois ans en Europe, au début des années 70 quand
elle a étudié la sociologie à la Sorbonne, (La sociologie?
À la Sorbonne? Juste après 68? et étonnez-vous qu'elle
écrive tant d'inepties!), puis de 84 à 85 à Paris,
c'est-à-dire avant l'Acte unique qui a institué la dérive
fédéraliste de ce qu'on appelait alors la CEE.
Le (encore) compatriote
de Louise Beaudouin, Ronald Duhamel, secrétaire
d'État à la francophonie au gouvernement fédéral
canadien, lui, semble mieux informé. Dans un article publié
par Le
Monde (7/3/00) il rappelle quelques faits que Louise Beaudouin,
la Céline Dion du PQ (parti québécois auquel elle
appartient) semble avoir oubliés: "Dans certains domaines, les
provinces canadiennes ont davantage d'autonomie que les États de
l'UE. Par exemple, au sein de la zone euro, si un pays a un déficit
budgétaire dépassant le seuil défini par le traité
de Maastricht, il est mis à l'amende par Bruxelles. Au Canada, chaque
gouvernement provincial est libre d'avoir le déficit budgétaire
qu'il désire."
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L'idée que le souverainisme québécois soit proche de la construction européenne est tellement absurde et malhonnête qu'elle a naturellement été reprise par la fine fleur des éditorialistes parisiens: l'excellent Professeur Julliard a été enchanté de l'article de Louise Beaudouin et écrit dans le Nouvel Observateur (2/3/00) "À la différence du souverainisme français ou de l’indépendantisme corse, qui sont des solutions de repli, sans perspectives d’avenir, le souverainisme québécois est inséparable, dans l’esprit de ses promoteurs, de l’idée d’association: avec le Canada d’abord, notamment dans le domaine économique; avec l’ensemble du continent américain, dans le cadre de l’Alena. Il n’est pas le repli identitaire; il est au contraire l’adieu définitif à Maria Chapdelaine, l’entrée dans un ensemble plurinational comparable, de l’avis même de Lucien Bouchard, à la construction européenne." |
On ne pas très bien si le souverainisme québécois et le «souverainisme» français désignent des réalités semblables. Une seule certitude, des deux côtés de l'Atlantique, le charlatanisme semble désigner la même réalité et le même genre d'individus.
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