ACTUALITÉ
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Quelques commentaires, sérieux ou frivoles,
sur l'actualité européenne


Vive les sites X! (février 2000)
Pourquoi le nier? Le principal attrait d'internet réside dans les sites X. Les auteurs de ce site n'ont pas honte d'avouer qu'un de leur site favori s'appelle x-rates.com Ce site propose des images et des photos très suggestives où des créatures de rêve ne cachent rien de leurs charmes.
Tout le monde l'a compris, x-rates.com est le site des eXchange rates, (taux de change): les images suggestives sont les courbes représentant l'effondrement de la monnaie européenne face au dollar, et la créature de rêve en question n'est autre que l'euro.

Dollar face à l'euro depuis 4 mois, au 4/02/00

Note à l'intention des européistes qui se seraient égarés sur ces pages: la courbe représente la valeur du dollar en euros et non l'inverse comme on le fait généralement en Europe. Si bien qu'il est normal que la courbe soit le plus souvent ascendante et que le taux indiqué soit de 1,02. (ie 1$=1,02€ ou 1€=98¢)


 
L'ECU tel qu'on le voyait en 1992
L'euro tel qu'on l'aura en 2002
 

Le site propose même une photo d'un billet de 10 écus (pardon 10 ecu, en allemand les monnaies sont invariables), tel qu'on le proposait en 1992. Le résultat, niais comme du Saint-Exupéry, fait presque passer le billet de 10 euros (pardon 10 euro) pour élégant.

Aznar, un grand européen trop peu connu (janvier 2000)
On le sait peu, mais Tony Blair n'est pas le seul en Europe à se sentir investi d'une mission à l'échelle du continent. José María Aznar aimerait également assurer une part du «leadership» européen que le premier ministre anglais entend exercer.


Une incroyable faute de goût que même Chirac n'aurait pas commise: apparaître sur son site officiel  derrière le drapeau de son pays et sans le beau drapeau de l'UE.

Aznar, grand «leader» européen? Et pourquoi pas! Parce qu'il a gardé la prestance du comptable qu'il fut avant d'entrer en politique, il ne pourrait pas aspirer à un rôle de dirigeant modèle en Europe? Ce serait injuste; et d'ailleurs notre hidalgo fait des efforts: il s'est éclairci la moustache qui lui donnait des airs d'employé aux écritures, il a rajeuni sa garde-robe, et comble du chic, il a honoré le forum de Davos de sa présence. Enfin, le 31 janvier, il a accordé à l'International Herald Tribune un entretien où il livre les méditations que lui inspire l'état de l'Europe.
De cette lecture édifiante, on retire la conviction qu'Aznar a l'envergure requise pour incarner l'exemple du bon leader européen. Il montre qu'il a 1° une grande conscience morale, 2° une foi inébranlable en l'Europe, 3° du discernement pour savoir qui il est interdit de critiquer dans l'UE, et enfin qu'il a compris ce que sont les ambitions diplomatiques de l'UE.

La conscience morale Le XXIè siècle sera éthique, répète sans cesse Chirac. Tony Blair, quant à lui, veut mettre son éthique sur tout ce qu'il touche. Même les ventes d'armes britanniques seront désormais éthiques. Aznar allait-t-il se laisser distancer sur le terrain de l'éthique, marché que tous les analystes financiers jugent très prometteur? C'était inconcevable et Aznar n'a pas été économe de déclarations à propos de l'arrivée du FPÖ au gouvernement autrichien. Sans surprise, Aznar a exprimé une préoccupation peinée de bon ton: "je suis inquiet à propos de l'Autriche en raison de la perspective de forces extrémistes entrant dans un gouvernement en Europe." Notre homme dirige à Madrid une coalition soutenue notamment par Jordi Pujol, l'indépendantiste catalan qui, en matière de populisme, ne craint personne. Cela n'en donne que plus de poids à la position d'Aznar quand il dénonce le populisme chez les autres. Le fait que l'Espagne au temps du franquisme n'ait jamais eu à subir les sanctions diplomatiques que l'Europe s'apprête à prendre contre l'Autriche, ne le trouble pas non plus.
Une foi en l'Europe inébranlable Dans le petit manuel, Comment devenir un grand leader européiste sans peine,  la deuxième leçon apprend à montrer un optimisme sans borne face à la construction européenne, même et surtout en présence des échecs les plus retentissants de l'Europe. Que lui inspire la débâcle de l'euro? La formule magique que psalmodient les européistes, à savoir "l'euro-possède -un-fort -potentiel -d'appréciation?" (À Bruxelles, l'Euro-11, sans craindre le ridicule, l'a resservie une fois de plus: "le texte [de l'euro-11] a réaffirmé avec force le «potentiel d'appréciation de l'euro»" écrit Le Monde 2/2/00.) Prudent, Aznar ne se prononce pas sur le taux avenir de l'euro, mais n'en démord pas: la monnaie européenne est un "grand succès européen qui nous a apporté stabilité, intégration et prospérité."
Qui est-il défendu de critiquer en Europe? Le secret était bien gardé, mais Aznar a aussi de solides convictions en matière économique: les gouvernements européens doivent cesser leur interventionnisme en économie. "M.Aznar, relate l'IHT, a vivement critiqué la politique économique, démodée, de certains membres de l'UE. D'après lui, la vieille méthode de gouvernement par l'intervention économique a pour résultat des impôts supplémentaires, un chômage élevé et une faible croissance (...) Il a pressé ses voisins européens à abandonner le traditionnel modèle d'intervention de l'État dans l'économie. La croissance de demain nécessite un engagement au changement, a-t-il ajouté." Ce n'est pas sur ce site que l'on défendra l'interventionnisme étatique, mais là n'est pas le propos. Qui donc en Europe, sont ces attardés qui pratiquent encore l'interventionnisme? L'IHT en voit trois principaux: la France et l'Italie pour leur réduction autoritaire du temps de travail et l'Allemagne pour ses multiples entraves au marché (tentative d'empêcher le rachat du groupe allemand Mannesmann par l'anglais Vodafone, obligation faite aux banques d'accorder un plan de sauvetage à Philipp Holzmann AG, une grande entreprise de BTP en déroute). C'est pourquoi Aznar critique la France, l'Italie, et... et c'est tout. "M.Aznar a refusé de critiquer le Chancelier Gerhard Schröder pour sa récente intervention" remarque l'IHT. En revanche, envers la France et l'Italie, pourquoi se gêner? "La semaine de 35 heures en France et en Italie a été critiquée par Aznar pour avoir «introduit une rigidité inutile dans le marché du travail»(...) Je pense que définir la semaine de travail par la loi  est une mauvaise politique »"
Aznar, fine mouche, a parfaitement compris les règles du jeu européen: au sein de l'Union européenne, les quinze membres sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres. C'est pourquoi, si l'on peut critiquer sans réserve la France, l'Italie ou d'autres, avec l'Allemagne en revanche, il convient d'être plus prudent.
Nos amis américains Enfin, comment Aznar voit-il l'avenir politique et diplomatique de l'Europe? Après un tel déluge de bons sentiments européiste, certains en France, pourraient s'attendre à ce qu'Aznar appelle de ses vœux "une Europe, puissance diplomatique forte qui soit un contrepoids à l'hyperpuissance américaine", comme le répètent à l'envi les européistes français. Il n'en est rien. Car Aznar est européiste, mais il n'est pas français, si bien qu'il ne partage pas l'obsession française, et uniquement française de construire une Europe rivale des États-Unis. "Sur le front politique, M.Aznar a reconnu qu'il était préoccupé par la puissance écrasante des États-Unis. Mais il ne va pas jusqu'à partager les craintes du premier ministre français Lionel Jospin envers l'hégémonie américaine. «Je m'oppose totalement à ceux qui cherchent à brouiller les États-Unis et l'Europe», a-t-il dit. Je travaillerai à poursuivre la relation entre les États-Unis et l'Europe." En Espagne, le pays d'origine de Javier Solana (qui est passé l'année dernière du poste de secrétaire-général de l'OTAN à celui de M.PESC), comme partout ailleurs en Europe, on est conscient que construire l'Europe n'a jamais été incompatible avec le renforcement de l'OTAN, bien au contraire.
Grand ami des Américains, révérencieux envers l'Allemagne, scandalisé par l'Autriche, ravi par l'euro. On le voit Aznar a toutes les qualités requises pour assurer avec Tony Blair une part du «leadership européen». Il devra toutefois corriger cette manie provinciale d'apparaître derrière le seul drapeau de son pays et prendre exemple sur Jacques Chirac, qui lui se sentirait déshonoré si ne flottait derrière lui le beau drapeau de l'UE.

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