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Les
voeux d'un renégat qui vieillit mal (décembre 99)
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Devant un tel fiasco, on ne sait trop comment qualifier un homme qui n'a plus de «républicain» qu'un vague vernis et de grands discours, et qui n'a plus de sympathique que la haine tenace que lui portent les Verts, Le Monde, Libération et les autres histrions de l'ultra-gauche. De Don Juan de lavabo, comme Clemenceau traitait ses adversaires? De moulin de Valmy, qui a pu symboliser la république autrefois mais dont il ne reste rien après la tempête? De "couteau sans manche à qui il manque la lame", comme Chevènement qualifiait le projet du PS en 1996? C'est encore trop charitable. |
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Rien. L'euro s'est effondré et vivote sous les regards peinés de ses onze géniteurs qui se refusent à admettre qu'ils ont enfanté un petit trisomique. De même, Chevènement a reculé sur tous les fronts où il était attendu et gesticule sous les yeux peinés des troupes faméliques du MDC qui se refusent à admettre la déchéance de leur grand homme. Voilà bien le drame de Chevènement: il se prend pour un héros, alors qu'il n'est plus qu'un euro. |
Bienvenue
à la Turquie! (décembre 99)
Le sommet européen
d'Helsinki a accordé à la Turquie le droit d'être candidat
à l'Union européenne. Pour signifier au premier ministre
turc la bonne nouvelle, les 15 chefs d'État et de gouvernement lui
ont accordé l'insigne honneur de partager leurs agapes. Cette candidature
a été vivement commentée, en particulier en France.
Pour notre part, nous nous réjouissons sincèrement de cette
candidature.
La paix: cause ou conséquence
de l'UE? Les Européens ont assorti l'acceptation de la candidature
turque de deux conditions: la Turquie devra mieux respecter les droits
de l'homme et elle devra régler "dans les instances appropriées,
ses différends avec la Grèce" (Le
Monde 16/12/99) Si l'on comprend bien, la Turquie
doit d'abord être en paix avec la Grèce avant de pouvoir
adhérer à l'Union européenne. Cela tombe sous le sens,
mais cela contredit la propagande européiste qui assure que c'est
la construction européenne qui a apporté la paix en Europe.
Comme le faisait observer Henri Guaino à Cohn-Bendit qui venait
de beugler le slogan "l'Europe, c'est la paix"
au
cours d'un débat "quand on dit «la construction européenne
c'est la paix», on confond la cause et la conséquence. La
paix n'est pas la conséquence de la construction européenne,
elle en a été la condition. C'est le désir de paix
et de coopération qui permet de construire des institutions européennes
et non l'inverse." (1) Ce
qui a été vrai entre la France et l'Allemagne au début
de la construction européenne dans les années 50, l'est resté
cinquante ans plus tard: il faut d'abord être en paix pour pouvoir
bâtir des institutions communes; et ce ne sont pas des institutions
communes qui apportent la paix, contrairement à ce que prétend
le matraquage européiste.
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L' Europe
aux ordres des USA et de l'Allemagne Une fois de plus, les Européens
accèdent aux souhaits des États-Unis et de l'Allemagne en
acceptant la candidature de la Turquie, alors qu'ils l'avaient sèchement
repoussée en 1997 au sommet de Luxembourg, malgré les protestations
de Madeleine Albright. Cette fois-ci, Bill Clinton a bien préparé
le sommet européen; à deux reprises en moins d'un mois, il
a enjoint les Européens d'accepter la candidature turque. "Lors
d'un discours à Washington à l'occasion du 10è anniversaire
de la chute du mur de Berlin (...) M.Clinton a appelé les membres
de l'Union européenne à faire preuve de vision en acceptant,
en son sein, la Turquie." (Le Monde 10/11/99).
Quelques jours plus tard, Bill Clinton déclarait lors du sommet
de l'OSCE, "Je suis déterminé dans mon soutien à
la candidature de la Turquie à l'Union européenne [parce
que la solution de tous les grands problèmes du monde] serait
renforcée si la Turquie était pleinement partenaire d'une
Europe respectant les diversités culturelles et religieuses et partageant
la dévotion de la démocratie et des droits de l'homme." La
cause de la Turquie auprès de l'Union européenne avait un
remarquable VRP, en la personne de Bill Clinton. Bien entendu, ce VRP de
luxe a été écouté au sommet d'Helsinki. Et
le 10 décembre, il manifesta sa satisfaction: "C'est avec grand
plaisir que j'accueille l'offre de l'Union européenne à la
Turquie du statut de candidat à l'UE, ainsi que l'accord de
la Turquie. Les États-Unis soutiennent depuis longtemps la tentative
turque de rejoindre l'UE, car ils pensent qie cela apporterait des
bénéfices durables non seulement pour la Turquie, mais aussi
pour tous les États membres de l'UE et pour les États-Unis."
(texte
sur le site du Département
d'État)
Comme le souligne Valeurs
actuelles (18/12/99), l'Allemagne
n'a pas ménagé ses efforts elle non plus pour accueillir
la Turquie.
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"Ce
rapprochement entre l'UE et la Turquie s'est fait sous le parrainage de
l'Allemagne et des États-Unis. L'annonce de l'ancrage de la Turquie
dans le monde des "valeurs occidentales" sert leurs intérêts.
Deux hommes ont mis au point cet accord: l'Allemand Günter Verheugen,
le commissaire européen à l'élargissement, et l'Espagnol
Javier Solana, ancien secrétaire général de l'Otan,
aujourd'hui représentant de l'UE pour la politique étrangère
et la sécurité.
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«Si
nous ne donnons pas à Ankara une perspective claire, alors la Turquie
sera perdue pour l'Occident.» Pour l'Occident ou pour l'Allemagne?
Les Allemands sont les meilleurs alliés des Turcs dans cette longue
procédure, pour des raisons commerciales et historiques. L'axe Berlin-
Ankara traverse toute l'Europe orientale, et notamment les Balkans, déjà
transformés en "zone mark" sous la bienveillante tutelle des Nations
unies et de l'Otan. En Grèce comme en Turquie, les Allemands aspirent
à être les maîtres du jeu."
Concernant la position allemande,
il convient de noter la différence entre le Kohl finissant et Schröder.
À la fin de son mandat, le premier, dans la perspective des élections
générales de 1998, était obsédé par
les réticences de l'électorat allemand à l'idée
de voir entrer la Turquie dans l'UE, et s'y était opposé.
Son successeur, lui, a décidé de préférer les
intérêts politiques de l'Allemagne aux inquiétudes
de ses électeurs.
Les européistes fanatiques furieux. L'Europe n'apporte pas la paix; l'Europe est une entreprise aux ordres de l'Allemagne et des États-Unis. Mais la bonne nouvelle que constitue la prochaine entrée de la Turquie n'est pas tant le rappel salubre de ces quelques vérités élémentaires. La vive déception que cette candidature a procurée aux européistes les plus forcenés est autrement plus réjouissante: c'est ainsi que la fine fleur des «intellectuels» européistes ne décolère pas.
L'excellent Jacques Julliard s'indigne dans le Nouvel Obs (23/12/99) que les gouvernements européens fassent de l'Europe "un ramassis informe d’Etats de toutes tailles, de tous régimes, de toutes histoires sans réussir à mettre en place le seul principe capable d’introduire un peu d’ordre et d’harmonie dans ce formidable foutoir en construction: un gouvernement commun, une volonté commune. (...) Quand l'Europe des Quinze se sera gonflée de l’Estonie, de la Hongrie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovénie, de Chypre, en attendant la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie, Malte (série en cours), cet agrégat inconsistant de peuples désunis ne pourra se reconnaître qu’un seul chef: l’Amérique.(...) Les «souverainistes» de France, mais aussi d’Angleterre, de Scandinavie et même d’Allemagne peuvent dormir tranquilles, l’Europe de leurs craintes n’est pas près de voir le jour: tandis que son élargissement progresse à vitesse électronique, son approfondissement, autrement dit le resserrement de ses institutions, avance à pas géologique.(...) L’Europe sera une sorte de Jockey Club des peuples: cela ne sert à rien mais on se bat pour en être." |
' | Le non moins remarquable Alain Duhamel, se désole (Libération 17/12/99) qu'à "Helsinki, l'Europe- puissance a progressé avec la décision de mettre sur pied une force de réaction rapide de la taille d'un corps d'armée. Elle a régressé avec le choix historique d'admettre la Turquie parmi les nations officiellement candidates à l'entrée au sein de l'Union européenne. (...) Si l'on veut en revanche une Europe- puissance avec une forte identité, une volonté collective, une culture commune, une défense et une diplomatie solidaires, des normes sociales identiques, une conscience et une ambition spécifiques, si l'on veut une Europe autodéterminée, indépendante, alors il lui faut de frontières claires et cohérentes, s'arrêtant aux limites de la Scandinavie, des pays baltes, de la Pologne, de la Bulgarie. Faute de quoi il ne s'agirait que d'un puzzle artificiel, sans énergie et sans âme." |
Les deux
penseurs importants s'inquiètent de voir l'Union européenne
devenir "un agrégat inconsistant de peuples désunis"
et "un ramassis informe d’Etats de toutes tailles, de tous régimes,
de toutes histoires"
pour le premier, "un puzzle artificiel, sans
énergie et sans âme" pour le second.
Où est le problème?
Si l'Union européenne devient "un agrégat inconsistant
de peuples désunis", ou "un puzzle artificiel, sans énergie
et sans âme", elle sera enfin conforme à ce qu'est l'Europe:
rien, sinon une entité géographique.
C'est bien ce qui a rendu
si chagrines les deux consciences morales de la presse parisienne. L'«élargissement»
de l'UE à l'Est a été préféré
à son «approfondissement», c'est-à-dire à
sa fédéralisation aggravée. Comme le remarque l'Herald
Tribune "à Helsinki, le vieux débat entre «l'élargissement»
et «l'approfondissement» de l'Union [européenne] a penché
de manière décisive en ajoutant 12 ou 13 futurs membres"
(IHT
17/12/99) Et cet
élargissement inconsidéré rendra délicat de
fédéraliser davantage les institutions existantes: imagine-t-on
d'élargir l'«espace Schengen» (2)
à la Turquie, qui compte parmi ses voisins les aimables États
que sont la Syrie, l'Irak et l'Iran, quand on sait à quel point
la Turquie maîtrise mal ses frontières? Difficilement. Imagine-t-on
d'étendre à un pays qui soumet l'Europe à une pression
migratoire considérable, la liberté de circulation et d'établissement?
Évidemment non.
L'admission de la Turquie
n'écarte pas la marche vers le fédéralisme européen,
comme l'éminent P r Julliard
feint de le craindre. Elle ne présage pas non plus l'avènement
d'une "European Union à la de Gaulle" (en américain
dans le texte) qu'annonce l'Herald Tribune (17/12/99).
Elle incite encore moins "les «souverainistes» de France
(...)
[à]
dormir tranquilles". Simplement, pour la première
fois, grâce à la Turquie, la construction européenne
devra se diriger vers ce que l'on a appelé dans les interminables
débat sur l'avenir de l'UE, l'Europe «à la carte»,
à «cercles concentriques», ou «à plusieurs
vitesses», rompant ainsi avec la manière jusque-là
adoptée pour les élargissements, chaque nouvel État
admis obtenant les mêmes droits et étant soumis aux mêmes
devoirs que les membres anciens.
L'Europe se détourne
ainsi de l'obsession de «progresser» à chaque sommet
vers une fédéralisation à marche forcée mais
devra perpétuellement quel type de coopération doit être
mis en oeuvre. Enfin une bonne nouvelle.
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Note: (1) Henri Guaino/ Daniel
Cohn Bendit. La France est-elle soluble dans l'Europe? Albin Michel 1999
p.126
(2) L'espace Schengen a établi la liberté de circulation entre la plupart des 15 (sauf la GB et l'Irlande) ainsi que la suppression des contrôles aux frontières. |
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