ACTUALITÉ
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Quelques commentaires, sérieux ou frivoles,
sur l'actualité européenne


L'Europe et la bureaucratie soviétique (mars 99)
Il est assez banal chez les eurosceptiques de comparer la bureaucratie de Bruxelles à l'ancienne administration soviétique. Il semblerait aussi que ce soit insultant. Le Monde (18/3/99) nous apprend que l'Estonie rencontre quelques difficultés pour entrer dans l'UE: rapportant les propos d'un expert occidental, il est dit que "le  ministère de l'agriculture ne dispose que d'une administration de 120 personnes,  "très limitée" au regard du  considérable travail de transcription et de mise en oeuvre des directives européennes dans ce domaine." Autres problèmes à résoudre: "le contrôle  administratif devra être renforcé" et "la mise en place obligatoire de droits de douane, aujourd'hui inexistants".
Ainsi, l'ex-État soviétique qu'est l'Estonie, s'il veut adhérer à l'UE, devra augmenter son contrôle bureaucratique, ses taxes, et le nombre de ses fonctionnaires. On avait raison de rejeter la comparaison entre l'Europe de Bruxelles et l'Union soviétique; c'est très insultant. Pour l'Union soviétique...


La démission de la commission? "Une chance pour l'Europe!" (mars 99)
Jamais désarçonnés, les européistes ont interprété la chute de la commission comme une chance pour l'Europe. Le scandale, par ses répercussions dans chaque pays, montrerait l'existence d'une opinion publique européenne, ce qui attesterait, selon certains européistes intrépides, l'importance de l'Union aux yeux des Européens et imposerait l'accélération de la construction européenne.

La commission sortante

Une opinion publique européenne, signe d'une communauté de destin?
Les européistes ne renouvellent guère leur maigre artillerie: déjà l'automne dernier, les européistes sautillaient d'aise à propos de la première "eurogrève". Les cheminots de la plupart des pays s'étaient mis en grève simultanément pour protester contre une directive de la commission. C'était la preuve, susurraient-ils, d'une prise de conscience commune des salariés européens, la "nation européenne" (sic) avait des ébauches de réflexes communs, etc... Aveuglés par leur idéologie, les européistes se refusent à admettre l'évidence: de l'"eurogrève" à la démission de la commission, chaque fois que la prétendue opinion publique européenne se manifeste, c'est pour dénoncer l'Europe de Bruxelles.
Accélérer la construction européenne?
Daniel Cohn-Bendit, le partisan le plus illuminé de l'Europe allemande a profité du scandale de la commission pour déclarer (interview à l'AFP 18/3/99 15:55)  que "cette crise nous oblige à accélérer l'allure de la construction européenne." Cette mâle détermination a été reprise par bien d'autres européistes de plus ou moins gros calibre.
On lisait déjà ce genre de sornettes en 1989: la chute du mur de Berlin était une chance pour le socialisme. Libéré du totalitarisme, un "socialisme à visage humain" allait enfin pouvoir éclore et apporter le bonheur aux ouvriers et aux paysans. On connaît ce qu'il advint: le socialisme a été tout simplement liquidé.
Bien entendu, personne ou presque ne tirera la conclusion équivalente en France. Les supposés eurosceptiques, de droite comme de gauche, se sont contentés d'exiger de profondes réformes, la sempiternelle démocratisation des institutions, etc...
Si cette crise de la commission est une chance pour l'Europe, qu'il nous soit permis de souhaiter à l'UE encore beaucoup de chance...

le parlement européen, cette institution intègre... (mars 99)
La crise qui a secoué la commission de Bruxelles a permis aux "parlementaires" européens de se poser en preux chevaliers...
Rappelons simplement que le 14 janvier 1999, les "eurodéputés" ont refusé de censurer la commission, alors que les faits reprochés à Édith Cresson étaient déjà largement connus. Rappelons aussi que la présidente du groupe socialiste à Strasbourg Pauline Green n'a cessé de tenter de protéger Cresson, par solidarité politique. Rappelons enfin que c'est le rapport des "cinq sages" qui a fait tomber la commission de Bruxelles et non le "parlement".
Cette bouffée d'orgueil du "parlement" européen apparaît vraiment risible. Cette assemblée tellement importante qu'il lui faut deux hémicycles... Cette maison de retraite pour vieux chevaux de retour qui se prennent aujourd'hui pour des pur-sang... Ce refuge pour les ratés du suffrage universel et pour les apparatchiks de tous les partis qui se réclament de la démocratie... Ce temple de l'absentéisme parlementaire qui s'indigne des emplois fictifs... Cette assemblée qui a toujours refusé qu'une autorité contrôle ses dépenses (le Monde 7/5/99), parce qu'elle représenterait la légitimité européenne qui dénonce aujourd'hui le manque de transparence de la commission.
On se rapportera à l'enquête de Capital (mars 99) pour se faire une idée sur les incorruptibles de Strasbourg: une centaine (sur 626) emploirait de manière fictive leurs proches pour empocher les indemnités destinées aux assistants parlementaires (85.000F par mois i.e. 63.000F pour les assistants plus 22.000F pour le secrétariat d'après Libération (6/5/99), les "eurodéputés" fraudent sur les notes de frais (de voyage et de représentation, ainsi un aller-retour Marseille-Strasbourg est remboursé 7.000F alors qu'il ne coûte guère plus de 2.000F en 1ère classe), se bousculent en début de session pour émarger la liste de présence qui détermine certaines indemnités et désertent immédiatement les hémicycles.
Le conseil municipal de la plus petite commune française a plus d'importance et mérite plus de considération que ce cloaque qu'est le "parlement" européen. Et ce sont ces gens-là qui donnent aujourd'hui des cours de vertu.

L'Europe et la laïcité (mars 99)
Dans la déclaration commune PS-MDC du 9 mars 99, les deux partis affirment que "la France républicaine n'a pas à rougir de ses valeurs, propres à inspirer une identité européenne encore en suspens." Parmi ces valeurs à exporter en Europe, la laïcité. Nous convenons bien volontiers que la laïcité est un fondement essentiel de la République en France.
Mais le PS et le MDC oublient de nous indiquer comment ils envisagent cette laïcité européenne. Une laïcité à l'anglaise, où le Chef de l'État est aussi chef de l'Église anglicane et de l'Église réformée d'Écosse? Une laïcité à l'allemande où l'État finance les Églises par l'impôt et où le Reichstag vient d'être "béni par un évêque catholique et un prélat protestant"? (Le Monde 20/4/99) (Oui, oui, le bâtiment abritant le Bundestag s'appellera toujours le Reichstag, comme à la grande époque...) Une laïcité à la grecque où la carte d'identité mentionne la religion?
Il serait temps que les européistes de longue date du PS et les nouveaux convertis du MDC se rendent compte que les nations européennes ont des traditions politiques différentes et que la laïcité, comme tant d'autres usages français, n'est pas transposable en Europe, qu'on n'est (hélas!) plus en 1810 où la France civilisait l'Europe ou, pour reprendre les termes de Régis Debray, "présumer qu'un dixième de la population [la France] puisse refiler ni vu ni connu ses valeurs aux neuf autres serait pousser un peu loin la vanité nationale" (Le code et le glaive Albin Michel p.103)

L'Europe et les Oncles Tom (mars 99)
"Les races germaniques et scandinaves sont supérieures aux races latines du sud de l'Europe". Quiconque affirmerait ceci se ferait très mal voir! Que les Allemands et les Scandinaves se rassurent, cette affirmation dont ils sont tous -consciemment ou non- convaincus peut être formulée par des périphrases moins abruptes. Il suffit de parler de différences de moeurs, de civilisations, de culture; cela passe beaucoup mieux et revient souvent au même.
La figure de proue de cette condescendance qui ne s'avoue pas raciale est évidemment l'Allemagne mais la Hollande et les pays scandinaves sont tout autant concernés. Et s'ils n'ont pas commis les atrocités allemandes, ils ont tous mis en oeuvre au début du siècle des politiques eugénistes inspirées du darwinisme racial (qui inspirera aussi l e nazisme) qui visaient à limiter la natalité de gens réputés inférieurs (catholiques aux Pays-Bas, pauvres et alcooliques en Suède...)
Les exemples ne manquent pas, où cette odieuse condescendance nordique et protestante ne prend pas de gants pour dénigrer les Européens du sud, ces untermenschen des "pays du Club-Med", ces P.I.G.S. (porcs, acronyme de Portugal Italy Greece Spain). En voici quelques uns.
En mai 1998, quelques jours après la querelle franco allemande sur la désignation du président de la BCE, Théo Waigel, alors ministre des finances de Kohl, se rend en Finlande pour y célébrer les valeurs communes des peuples nordiques, insistant à quel point celles-ci étaient éloignées de celles des peuples latins. En 1996 et 1997 la Hollande rivalise avec l'Allemagne pour dénigrer l'Italie lors de l'examen du passage à l'euro (exemple entre mille: "les Italiens devraient renoncer à un mode de vie très particulier (all'italiana), dans les matières publiques, dans l'administration, dans la culture, au nord comme au sud" Frankfurter Allgemeine Zeitung 24/07/1996). À l'automne 1994   la presse allemande se réjouit bruyamment de l'entrée de pays scandinaves, pour contrebalancer les pays du sud. En février 1999, la presse suédoise unanime se scandalise que Volvo puisse être racheté par Fiat, insistant lourdement sur la différence des moeurs (forcément dépravées au sud, forcément rigoureuses et sérieuses au nord).
Bien entendu, de même que la colonisation engendra ses oncles Tom, il ne manque pas en France d'oncles Tom de l'Europe allemande pour intérioriser et revendiquer  le mépris que les Boches et les demi-Boches de Hollande et de Scandinavie nous portent. C'est ainsi que, sur France Culture, à l'émission l'«esprit public» le 21/3/99, l'européiste barriste (il en reste!) Jean-Claude Casanova s'est déclaré satisfait de la "leçon de rigueur" que les Européens du nord nous donnaient à propos du scandale de la commission de Bruxelles. Car bien entendu, ce scandale a été largement interprété au nord de l'Europe comme une nouvelle preuve de cette corruption inhérente aux Latins, ou comme le martèle un autre oncle Tom de l'Europe allemande "comme une  faute française, comme une responsabilité française, comme un échec d'origine plus particulièrement française" (Alain Duhamel Libération 19/3/99) en se concentrant sur la Française Cresson et l'Espagnol Marín, oubliant que parmi les quatre commissaires contestés, l'une était allemande, l'autre finlandais.

Al Capone et les européistes (février 99 complété ultérieurement)
On se souvient qu'Al Capone n'a pas été emprisonné pour tous les meurtres qu'il a commis, mais pour une simple fraude fiscale.
 

Al Capone

Jean-Jacques Anglade (ancien maire socialiste de Vitrolles) a été dans sa jeunesse président de l'association Jeunesse européenne fédéraliste (Le Monde 8/1/99). Il a récemment été condamné à trois ans de prison avec sursis, 200.000 francs d'amende et cinq ans d'inéligibilité pour trafic d'influence, faux et usage de faux pour s'être enrichi aux frais de sa commune (Le Monde 3/3/99).

Roland Dumas, alors ministre des affaires étrangères de François Mitterrand, a déclaré à l'Assemblée nationale: "Nous avons pris le parti d'une mutation fondamentale dans le sens d'une entité supranationale". (Le Monde 12/3/91) À ce jour Roland Dumas est toujours présumé innocent...

François Léotard vient de signer une tribune libre enflammée "Pour une France fédérale dans une Europe fédérale" dans la pravda des européistes (le Monde 14/1/99). D'après le Canard enchaîné (21/4/99),  "déjà deux fois mis en examen dans l'affaire du Fondo (...) l'ex-président du Parti républicain est maintenant visé par une enquête préliminaire ouverte la semaine dernière par le parquet de Paris."

Y aurait-il donc une justice immanente? Mais gardons-nous des amalgames! S'il n'existe pas d'européistes honnêtes intellectuellement, certains européistes ne sont peut-être pas tous du gibier de prétoire.

Le nationalisme? À combattre seulement en France! (janvier 99)
La lecture du Monde est chose réjouissante pour un eurosceptique. Le 25/11/1997, Pierre-Antoine Delhommais, le préposé à la propagande de l'euro du vénérable journal, déplore la candidature du Français (?) Jean-Claude Trichet à la présidence de la BCE, et dénonce la persistance de "réflexes nationalistes, peu compatibles avec l'esprit européen". En revanche, le correspondant du Monde à Bonn nous apprend (13/1/99) que "les médias allemands se convainquent depuis des mois qu'obtenir la présidence de l'Union européenne est un dû, Gerhard Schröder s'est refusé à préciser s'il présenterait un candidat allemand à la succession de M.Santer" et bien entendu personne ne s'en étonne. Les médias allemands sont fondés à soutenir un Allemand pour présider une institution européenne; les médias français, eux, se doivent de combattre toute candidature française, forcément franchouillarde et chauvine, à une fonction européenne.
D'ailleurs, que les âmes délicates du Monde se rassurent: Trichet, comme les autres européistes, n'est français que de l'extérieur et allemand de l'intérieur; et qu'ils méditent également la boutade d'un ancien secrétaire anglais au Foreign Office:"il est important de nommer un Français à la tête des organisations internationales. Ainsi on est assuré que les intérêts de la France ne seront pas défendus!".

le RPR va-t-il exclure Charles Pasqua? (janvier 99)
Ce serait bien la moindre des choses! Lors de la présidentielle de 95, le RPR n'a pas sanctionné les partisans de Balladur. En excluant Pasqua qui présente une liste dissidente, le RPR montrerait ainsi qu'il est plus grave d'être en désaccord sur les européennes que sur les présidentielles. Pour le parti fédéraliste cohérent que le RPR est devenu par la grâce de Séguin, le parlement européen compte beaucoup plus que la fonction présidentielle... D'ailleurs, que reste-t-il de la fonction présidentielle?

Jospin défend la nation! (janvier 99)
Grande nouveauté: alors qu'il s'apprête à faire ratifier le traité d'Amsterdam et qu'il vient de contribuer à dissoudre le franc dans l'euro, Jospin se découvre une nouvelle passion: la nation. Dans ses voeux à la presse le 12 janvier 1999, il célèbre la "nation fière de son histoire, qui refuse de se dissoudre", il souligne que "la nation est une réalité irréductible, le coeur où bat la démocratie, l'espace où se nouent le lien social et les solidarités les plus fortes." Au point d'en indisposer les consciences européistes vigilantes du Monde (14/1/99) qui s'inquiètent de ce "tournant national" et qui dénoncent, éternelle rengaine, "la tentation du repli", au moment où tout le milieu politique est atteint d'"europhorie" délirante.

Lionel JOSPIN, nouveau défenseur de la nation

Les gens du Monde sont bien les seuls à avoir cru que Jospin avait été touché par la grâce. Personne d'autre n'a été dupe de cette soudaine conversion. Les circonstances de son hommage inattendu, la présentation des voeux, laissent penser que pour Jospin, la révérence à la nation est une de ces corvées que l'on s'impose en début d'année: on se rappelle au souvenir des vieillards qu'on néglige le reste de l'année. En cela, Jospin marche dans les pas de Mitterrand, qui, pour reprendre les termes de Jean-Claude Barreau, "voyait la France comme une vieille dame qu'il fallait entourer de prévenances, à laquelle il convenait de garder les apparences de sa grandeur passée, tout en la préparant en douceur à l'idée d'être hospitalisée dans une maison de retraite dorée. Pour Mitterrand, cette maison de retraite, c'était évidemment l'Europe de Maastricht." (voir liens  p.13)
La nation sera peut-être le thème de la campagne présidentielle de Jospin. Les élections précédentes montrent qu'on peut être élu sur une imposture: Mitterrand n'a-t-il pas été élu par un électorat qui se croit l'héritier de la résistance et de l'anticolonialisme, malgré son passé à Vichy et dans les gouvernements de la guerre d'Algérie? Chirac n'a-t-il pas été élu sur la "fracture sociale", un thème sur lequel on l'avait peu entendu en 30 ans de vie publique? En vertu du principe selon lequel il semblerait qu'en France, plus c'est gros plus ça passe, pourquoi Jospin ne se ferait-il pas élire sur la défense de la nation?

C'est fini!


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