Le discours de Jospin a été obtenu sur:
http://www.premier-ministre.gouv.fr/PM/D030100.HTM
Ceux de Chirac sur la fontaine à discours de l'Élysée:
http://www.elysee.fr/auracom/
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DISCOURS
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
LORS DE L'INAUGURATION
DU NOUVEAU BÂTIMENT
DU PARLEMENT EUROPÉEN

(Strasbourg - Mardi 14 décembre 1999)


 


















Madame la Présidente,
Messieurs les présidents des Institutions européennes,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames, messieurs,

Je tiens tout d'abord, madame la Présidente, à vous remercier pour votre accueil amical et chaleureux.

Votre élection à la présidence du Parlement, l'été dernier, est venue couronner votre passion de grande européenne. Quinze années de mandat électif vous ont gagné le respect de vos collègues et, au-delà, de toutes celles et de tous ceux qui se battent pour l'Europe.

Je veux aussi évoquer après vous, la haute figure de Louise Weiss, dont cette enceinte porte le nom. Alsacienne, ses origines étaient aussi allemandes, autrichiennes, tchèques. Elle a toute sa vie plaidé pour l'Europe. Dans ce siècle si souvent tragique, elle a cru, contre vents et marées, à la réconciliation et à l'union de nos peuples. Vous le savez peut-être, c'est à ma demande qu'en 1979, elle avait alors 86 ans, cette militante inlassable de la cause des femmes et de celle de l'Europe avait accepté de briguer son premier mandat électif. Son engagement trouvait alors sa consécration dans votre Assemblée.
 
 



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Cette inauguration, Mesdames, Messieurs, marque une date dans l'histoire de votre Parlement. Quel chemin parcouru depuis la première réunion, en 1952, de l'Assemblée commune de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier! Et depuis la première élection des députés européens au suffrage universel direct, il y a de cela déjà vingt ans!
 

Renforcé chaque jour dans sa légitimité et dans son rôle, le Parlement se devait d'acquérir son autonomie par rapport au Conseil de l'Europe qui lui a offert l’hospitalité pendant près d'un demi-siècle. Il était souhaitable, il était nécessaire qu'il dispose enfin de son propre bâtiment.

Je veux saluer toutes celles et tous ceux qui ont travaillé à cet immense chantier: les architectes, la Société d’Aménagement et d’Equipement de la Région de Strasbourg, les entreprises, les techniciens, les ouvriers qui ont participé à cette grande aventure pendant quatre années et qui ont donné ce Palais à l'Europe et à sa représentation.

Je remercie les collectivités territoriales –la région Alsace, le département du Bas-Rhin, la Ville de Strasbourg- qui, en concertation avec l’État, ont apporté leur soutien à cette réalisation.

Si souvent écartelée dans l’Histoire, au cœur des rivalités continentales, Strasbourg incarne aujourd'hui l’idéal de paix et de démocratie de tout notre continent. En accueillant votre Parlement mais aussi le Conseil de l’Europe avec la Cour des Droits de l’Homme, Strasbourg est devenue en quelque sorte la capitale de la citoyenneté européenne.

Nous devons aujourd'hui réfléchir aux moyens de faire vivre nos différentes capitales dans une Europe élargie. Les liaisons entre les villes-sièges, comme avec les États-membres, doivent être aussi denses et aisées que possible. Nous connaissons vos demande, et soyez assurés qu’à la place qui est la mienne, avec le gouvernement français, je m’emploie à les satisfaire.

Lorsque votre Assemblée a pris possession des lieux, il y a bientôt six mois, on a beaucoup dit et on a écrit sur ce nouveau bâtiment et sur les difficultés qu'il a connues dans les premières semaines. Des préoccupations légitimes se sont exprimées, partagées par tous ceux –parlementaires, administrateurs, fonctionnaires, journalistes, techniciens, visiteurs aussi– qui travaillent et qui circulent ici. Ce sont là, j'en suis persuadé, des défauts de jeunesse, probablement difficilement évitables quand on songe à l'importance de ce chantier. Ils se résorbent progressivement, grâce aux mesures énergiques que vous-même, Madame la Présidente, avec votre Secrétaire Général, avez prises dès votre entrée en fonction.

Et bientôt, j’en suis sûr, chacun aura trouvé ici ses marques. Bientôt, ne s’exprimera plus que, je l'espère, l’admiration devant ce bel édifice, qui donne à votre Parlement un siège digne de la mission que lui confient les Traités.
 
 



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Mission éminente, mesdames et messieurs les parlementaires, et qui ne cesse de s'étendre. Votre institution, où s'exprime la voix de nos peuples, est présente dans tous les débats qui animent l'Europe. Et l'année qui s'achève aura été, sans conteste, l'année du Parlement européen.

La démission collective de la Commission, au printemps dernier, à la suite du rapport du Comité des sages suscité par votre institution, a signé la fin d'une époque. Elle a mis un terme à une perception peut-être trop technocratique, trop secrète de la construction européenne. Votre contrôle vigilant de l'utilisation des fonds européens a montré votre volonté d'exercer vos pouvoirs dans leur plénitude.

Il faut en finir une fois pour toutes avec l'idée que le Parlement européen n'a que peu de pouvoirs. Au fil des traités qui jalonnent la route de l'Union, le Parlement européen n'a cessé d'étendre le champ de ses compétences et de ses responsabilités. Doté d'abord de pouvoirs budgétaires, le Traité de Maastricht lui a conféré le statut de co-législateur. Statut renforcé depuis l'entrée en vigueur, il y a quelques mois, du Traité d'Amsterdam.

Avec l'extension de la co-décision, rares sont les domaines qui échappent aujourd'hui à votre intervention. Et les citoyens européens, qui ont suivi avec attention les auditions des candidats, préalables à la désignation de la nouvelle Commission, ont pu mesurer le rôle de votre institution, mais aussi l'impartialité et la compétence apportées par chacune et chacun d'entre vous dans le processus de nomination des Commissaires européens.

Qu'il me soit permis, à cette tribune, de saluer l'ampleur et la qualité du travail qui s'accomplit ici, qu'il s'agisse de vos commissions, de vos sessions plénières, ou du Comité de conciliation entre votre Assemblée et le Conseil, véritable creuset où se forge la loi européenne.

Ce travail quotidien de législation et de contrôle est devenu une part essentielle de la vie de notre Union, sans pour autant entamer les prérogatives du Conseil ni celle de la Commission. Car nous avons tous la volonté de respecter l'équilibre institutionnel prévu par les Traités.

Et votre rôle est appelé à se développer davantage avec la nouvelle réforme des institutions que le Conseil européen vient d’engager à Helsinki et permettez-moi de saluer la Présidence sortante qui a fait un travail extrêmement remarquable pour le succès du dernier sommet à Helsinki. Parallèlement à l'extension envisagée du vote à la majorité qualifiée à de nouveaux domaines, il me paraît en effet naturel que votre Parlement voie s'élargir ses compétences de co-législateur aux mêmes domaines.

Il est nécessaire que vous puissiez faire entendre votre point de vue sur cette réforme institutionnelle. C'est votre vœu. Le Conseil européen vient de prendre des dispositions à Helsinki en ce sens. C’est dans un esprit d’ouverture que je veillerai à leur application pendant la présidence française de l'Union qui, je l'espère, permettra de conclure les travaux de la Conférence intergouvernementale.

Et je me réjouis, madame la Présidente, qu'après l'expérience réussie que nous venons de vivre à Helsinki, vous puissiez à nouveau, lors de chaque Conseil européen, mener un véritable dialogue avec les chefs d'État et de Gouvernement et ne plus faire simplement un discours de présentation.

Votre Assemblée est une institution qui monte en puissance au sein de l'Union. Mais trop d’Européens méconnaissent encore votre rôle. En témoigne, hélas, la faible participation de nos concitoyens aux élections européennes dans presque tous les États membres.

Unissons donc nos efforts pour mieux faire connaître votre Parlement! Unissons nos efforts pour que, dans toute l'Europe, le mode de scrutin rapproche les citoyens de celles et ceux qui les représentent à Strasbourg. Adoptons enfin un véritable statut des députés, respectant toutes les prérogatives de votre Parlement.

Tout cela aiderait nos concitoyens à mieux se reconnaître dans leurs représentants. Tout cela les encouragerait à renforcer leur dialogue avec leurs parlementaires européens. Vous-même, Madame la Présidente, donnez l'exemple, en multipliant vos interventions publiques, en expliquant sans relâche la vocation de votre institution, en donnant de votre Parlement une image forte, volontaire et généreuse. Et, c'est vrai, vous avez la passion contagieuse!
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Mesdames et messieurs les parlementaires,

Cet effort pédagogique ne doit pas se limiter à une meilleure perception de votre Assemblée.

Chacun le sent bien: ce qu’il faut maintenant, pour rallier nos concitoyens, dans leur cœur comme dans leur esprit, c'est aussi changer l'idée même qu'ils se font de l'Europe.

L'Europe, nos peuples la jugent souvent technocratique, lointaine ou abstraite. Nous entendons leurs reproches: les traités et les réglementations sont peu lisibles! L'Union ignore trop les préoccupations quotidiennes! Elle est souvent source de contraintes! Elle ne respecte pas assez le principe de subsidiarité! Mais en même temps elle ne s'occupe pas assez des grands fléaux comme le chômage, l'exclusion, la drogue, le crime! Ensemble, répondons à ces critiques!

Nous devons bien sûr faire davantage pour mieux coordonner nos politiques économiques, renforcer notre modèle social, bâtir un seul espace de liberté, de sécurité et de justice.

Mais d'abord nous devons expliquer toujours mieux à nos concitoyens tout ce que l'Union leur apporte déjà, tout ce qu'elle leur garantit, comment elle les protège et leur permet de vivre mieux. Leur expliquer, simplement, comment elle fonctionne.

Cet effort d’explication, nous l'avons engagé, avec tous les moyens nécessaires, pour l'Euro. Son apparition sous forme de billets et de pièces va bouleverser les mentalités et aussi les habitudes de nos peuples. Elle va les amener, dans leur vie de tous les jours, à penser et à agir en européens. Cette véritable révolution culturelle, nous la préparons activement et le passage à l'Euro a été bien perçu par nos peuples. Parce que nous nous sommes donné les moyens de l'expliquer et de le faire comprendre.

Nous devons adopter la même pédagogie, multiplier nos campagnes d'information pour faire mieux comprendre le projet européen dans son ensemble, mieux comprendre nos institutions, mieux comprendre nos politiques. Pour conduire cet effort nécessaire, il faudra dégager des moyens budgétaires. Il faudra aussi une véritable mobilisation de la part de tous les responsables politiques. Et vous, élus du suffrage universel, devrez être en première ligne pour montrer le chemin.
 
 



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Mais pour emporter l’adhésion de tous, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons aussi être capables de donner à l’Europe sa vraie dimension. Il nous faut édifier une Europe citoyenne, dont chacun se sente petit à petit acteur. Bâtir une identité commune, dans le respect des identités nationales. Dans le respect des peuples qui composent l'Union, dans le respect de leurs langues, de leurs cultures.

L'Europe, nos peuples ne veulent pas s'y dissoudre et s'y perdre. Au contraire, à travers elle, chacun veut exister davantage. Nous devons réussir la construction de cette grande maison commune où chacun doit néanmoins se sentir chez lui. Une maison où tous vivent ensemble, solidairement, mais où chacun garde ses repères familiers.

Nous emporterons l’adhésion en privilégiant ce qui nous rapproche. Une certaine idée de l'homme, de sa liberté, de sa dignité, de ses droits. Un modèle social, ancré dans notre histoire commune et fondé sur une tradition de négociation collective, une protection contre les aléas de l'existence, un État garant de la cohésion sociale.

Voilà pourquoi la France souhaite que, sous sa présidence, soit adoptée la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Votre Parlement jouera un rôle essentiel dans son élaboration, aux côtés des États et des parlements nationaux. Et ce texte, avec ses droits et ses devoirs, donnera son cadre, ses références, son corpus à la citoyenneté européenne.

Cette citoyenneté, c'est aussi un même attachement à nos identités, à nos histoires; une longue tradition de correspondances entre nos cultures nationales, nos penseurs, nos artistes. Une tradition qui remonte au Moyen-Âge et qui nous a donné l'humanisme. Bref, tout ce qui fonde notre civilisation européenne. N'oublions jamais que l'Europe est née sur les terres de l'esprit.

C'est cette Europe-là que nous devons faire vivre et grandir pour faire aimer l'Europe.

Et d'abord, par notre jeunesse. Voilà pourquoi la France fera de l'éducation et des savoirs, des échanges entre universités et laboratoires, une priorité de sa présidence. Pour permettre aux jeunes, étudiants, chercheurs ou techniciens, jeunes diplômés en quête d'emploi ou jeunes travailleurs, d'ouvrir leur horizon à l'Europe tout entière. A cette fin, la France présentera à ses partenaires un programme ambitieux et concret d'encouragement à la mobilité. Nous devons aider les nouvelles générations à forger leur conscience européenne.
 
 



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Madame la Présidente, mesdames, messieurs,

Vous êtes les parlementaires qui allez faire entrer l'Europe dans le prochain millénaire. C'est vous qui, avec les États membres, avec la Commission, allez préparer l'Europe aux grands défis de l'avenir.

Gardons-nous de tracer aujourd'hui les contours de l'Europe finie. L'Europe est un projet. Elle est aussi un processus. Même les plus audacieux des pères fondateurs n'avaient pas imaginé l'euro. Mesurons avec fierté le chemin accompli. Réfléchissons ensemble à nos ambitions pour demain.

Notre histoire nous oblige. Avec la Renaissance et pendant cinq siècles, l'Europe a su bâtir une civilisation rayonnante. Puis le choc de nationalismes exacerbés et la négation radicale de nos valeurs ont entraîné notre continent, et avec lui monde, dans deux guerres terribles qui ont cassé, effacé l'Europe. Depuis cinquante ans, avec opiniâtreté et avec succès, nous réunissons les conditions d'une nouvelle renaissance européenne.

Les Européens doivent désormais apprendre à réconcilier leur histoire et leur géographie. Pendant quarante ans, l'Union européenne n'a pas eu à dessiner ses frontières: elles lui étaient imposées par les chars du pacte de Varsovie, le long du rideau de fer. En s'ouvrant à 13 pays candidats, qui seront plus tard rejoints par ceux, je l'espère, des Balkans occidentaux, l'Union affirme sa vocation à rassembler toute la famille européenne. Grande ambition

J'invite ceux qui reprochent aux dirigeants européens de manquer parfois de courage et d'ambition à réfléchir quelques instants au défi que représente l'intégration progressive, et indispensable, dans l'Union de quelque 200 millions d'hommes et de femmes appartenant à une vingtaine de pays.

Avant d'ouvrir sa porte, l'Union devra réformer ses institutions. Le chantier que nous avons engagé à Helsinki est nécessaire. Mais nous savons déjà qu'il ne constitue qu'une étape. Nous devrons approfondir nos réflexions sur les conséquences à long terme de ces élargissements.

Et le défi est considérable: comment faire vivre une communauté de peuples aussi différents par leur niveau de vie mais aussi par leur expérience de la construction européenne ? Comment le faire, tout en poursuivant l'approfondissement indispensable de nos politiques communes ? Ne faut-il pas réfléchir à une mise en œuvre plus flexible de nos progrès, comme nous l'avons déjà fait avec Schengen, puis avec l'euro ?

Cette Europe qui s'élargit et qui s'approfondit doit progressivement assumer toutes ses responsabilités sur la scène du monde. Les Européens le souhaitent. Le drame du Kosovo nous l'a montré. Ils veulent une Europe puissante. Une Europe capable d'apporter toute sa contribution à la construction d'un monde prospère et en paix. Une Europe qui s'affirme comme l'un des pôles majeurs de l'équilibre mondial.

L'Union est déjà le premier ensemble économique et commercial de la planète. Elle s'est dotée de l'euro, l'autre grande monnaie, à côté du dollar. Elle a affiché sa cohésion, sa détermination et sa capacité à défendre ses intérêts et son modèle, et à le faire d'une seule voix, lors des discussions de l'OMC à Seattle.

Cette capacité, l'Union doit désormais l'affirmer aussi dans le domaine de la politique étrangère et de la défense. Le Conseil européen d'Helsinki a marqué un important progrès. D'autres devront intervenir dans l'année qui vient.

Cette montée en puissance de l'Europe et la perception qu'en ont nos grands partenaires contribuent à conforter l'image que nos concitoyens se font de l'Europe et d'eux-mêmes.
 
 



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Voilà, Mesdames et Messieurs, les tâches auxquelles nous, dirigeants politiques et représentants élus de l'Union, devons nous atteler.

La France aura, après le Portugal, l'honneur et la responsabilité de présider l'Union l'an prochain et de conduire l'Europe au seuil du troisième millénaire. Ses priorités rejoignent, je le sais, celles de votre Assemblée: Europe des hommes, de la connaissance, de l'innovation; Charte des droits fondamentaux; réforme des institutions et élargissement; défense européenne. Soyez assurés de la détermination de mon pays à vous associer pleinement aux travaux et aux débats de sa présidence.

Dans un an très exactement, je reviendrai dans cet hémicycle pour faire avec vous le bilan de ces six mois. Nous mesurerons alors les progrès accomplis. J'ai la conviction qu’ensemble, partageant la même vision de l'Europe, poursuivant les mêmes ambitions pour l’Union, nous aurons su lui faire franchir de nouvelles étapes. Nous aurons su lui conférer un surcroît d'efficacité, de solidarité, d'identité. Nous l'aurons, en un mot, rapprochée de nos peuples.

Ainsi va l'Europe. Plus vite et plus loin qu'on ne le dit. Le XXIème siècle verra, j'en suis sûr, l’affirmation d'une Europe humaniste et prospère, puissante et pacifique, au premier rang des acteurs de la scène mondiale. Oui, le XXIème siècle doit être, et sera, celui d'une renaissance européenne.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie.

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VŒUX AUX FRANÇAIS
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
          PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

PALAIS DE L’ELYSEE - VENDREDI 31 DECEMBRE 1999


 
















Mes chers compatriotes,

Je voudrais d’abord exprimer ma sympathie à toutes celles et à tous ceux qui vivent ces derniers jours de 1999 dans l’épreuve.

Je pense aux nombreuses victimes de la tempête et à toutes les familles endeuillées dont nous
partageons la peine. Je pense à nos concitoyens cruellement touchés dans leur vie quotidienne, à ceux dont les biens ont été détruits, à ceux qui craignent pour leur activité et leur emploi, à ceux qui souffrent de voir notre patrimoine, notre littoral, nos forêts, nos monuments, défigurés.

Je vous redis mon émotion mais aussi ma fierté devant l’exceptionnel élan de solidarité qui anime tant de bénévoles et d’associations mobilisés aux côtés des services publics civils et militaires et des élus.

En ces heures difficiles, nous ressentons profondément la fragilité des choses, la précarité de ce qui nous semblait acquis. Nous voyons combien tout peut être parfois remis en cause du fait de l’inconscience des hommes ou du déchaînement des éléments naturels.

Nous mesurons aussi l’importance du rôle de l’Etat dans notre société. Un Etat sur lequel pèsent des responsabilités essentielles : le service public, la sécurité, la solidarité. Un Etat auquel il appartient de prévoir, de faire face, d’assurer la coordination des moyens du pays.

Nous mesurons surtout le prix de l’aide fraternelle, du soutien spontané, de la main tendue, qui sont le ciment de la Nation.

Au moment où nous touchons aux portes de l'An 2000, rien n'est décidément plus moderne, plus nécessaire, plus solide, que le sentiment d'appartenir à une même communauté et d'être responsables les uns des autres. La France blessée veut se retrouver rassemblée et fraternelle. Parce que nos compatriotes ont toujours su, dans l’épreuve, faire parler leur cœur, je voudrais dire merci à tous les Français.
 
 



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Mais ce soir, nous vivons ensemble un moment fort et singulier. Ce qui paraissait très lointain et qui a longtemps symbolisé le futur, l'an 2000, est devenu contemporain, immédiat. Je suis sûr que beaucoup d'entre vous vont vivre ces instants avec un peu d'émotion, un peu d'étonnement, une certaine appréhension parfois, née du sentiment que s'achève une époque dont on possédait les clés, dont on maîtrisait les règles et les habitudes.

Je comprends ces mouvements de l'âme. Pourtant, j'ai confiance. La France franchira les obstacles comme elle l'a toujours fait au long de son histoire pour peu qu'elle soit fidèle à elle-même.
 
 



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Même si le passé est bien présent dans notre mémoire, je ne m'attarderai pas sur le siècle qui s'achève. Siècle de progrès sans précédent. Pour la santé, l'éducation, les conditions de vie. Pour les libertés, la vie démocratique, la situation des femmes, les solidarités. Mais aussi siècle d'horreurs, de tragédies, de convulsions, qui a vu deux guerres mondiales, le Goulag, les dictatures totalitaires. Et la Shoah.

Ce soir, ce qui importe, c'est l'avenir, notre avenir, celui de nos enfants. Le progrès va se poursuivre, avec ses hésitations, avec ses limites que nous mesurons bien face aux événements récents qui nous invitent à l’humilité. Progrès de la science. Progrès des communications entre les hommes. Progrès de la médecine : un grand nombre des enfants qui vont naître cette année verront l'an 2100.

Ces progrès ne prendront tout leur sens que s’ils bénéficient à l’homme, à tous les hommes. Le XXIème siècle doit être le siècle de l'éthique. Je sais que bien des tragédies, aujourd'hui, font douter de cette espérance. Pourtant, de plus en plus, les Nations s'accordent pour mieux faire respecter les Droits de l'Homme, pour défendre la liberté et la dignité humaines. Un nouvel ordre international s'affirme peu à peu. Demain, il ne devra plus y avoir de repos pour les criminels contre l'humanité. Et, au nom de la France, en votre nom, c'est le combat difficile que je mène chaque jour.

A l'intérieur de chaque nation, une exigence se fait entendre, toujours plus forte, pour que les avancées de la science soient orientées vers le bien de l'homme et ne se retournent jamais contre lui : je pense, par exemple, aux manipulations génétiques ou au clonage.

De même, dans le domaine de l'environnement, les peuples ne veulent plus que la course à la productivité épuise la planète. La responsabilité de tous ceux qui dans le monde dégradent le patrimoine naturel doit être recherchée et sanctionnée car il s’agit du patrimoine que nous léguerons à nos enfants.

Même si le monde change comme il n'a jamais changé, la modernité ne doit pas nous diviser. Elle doit profiter à chacun.
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Nous réussirons. Nous réussirons, parce que nous avons pris des décisions qui engagent et qui garantissent notre avenir.

Nous avons choisi ensemble de faire grandir la France dans l'Europe. Une Europe qui nous garantit la paix. Une Europe qui nous permet de peser davantage dans le monde.

Nous avons choisi aussi de prendre part à la mondialisation, d'en prendre toute notre part. Mais une mondialisation maîtrisée, organisée, respectueuse de l'environnement, capable de prendre en compte les aspirations des hommes et capable de faire reculer la pauvreté. Ce sera tout le sens du combat de la France dans les grandes négociations à venir.
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Mes chers compatriotes,

Nous avons en commun certaines valeurs.

La volonté de donner à chacun sa chance pour que notre société soit plus allante, plus mobile, plus optimiste.

L’exigence de solidarité. Une solidarité plus responsable où chacun s’efforcerait de prendre sa part du contrat.

L'attachement à la famille, parce qu'elle est chaleur, entraide, sécurité.

Le désir d'être utile, de trouver sa place dans la société, de donner autour de soi, de se réaliser.

La tolérance, qui ne doit pas être renoncement à ses convictions, mais respect de l'autre.

L'esprit républicain et le sens de l'intérêt général, qui imposent que l'Etat conserve toute sa place pour dire le droit, le faire respecter, avec autorité, avec justice.

Gardons ces exigences. Gardons ces valeurs. En les faisant vivre, nous serons plus forts pour
aborder les temps qui viennent.

La France change. Elle doit le faire au rythme du monde. En étant fidèle à son génie propre, elle saura conjuguer le changement et la cohésion sociale, l'esprit d'initiative et la sécurité, la modernité et le bien vivre ensemble.
 
 



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Mes chers compatriotes, je mesure l'honneur et la responsabilité qui m'échoient de m'adresser à vous ce soir, alors que notre nation franchit le cap du siècle.

La France a plus de mille ans, riches de fièvres, de passions, d’enthousiasmes. Elle continue, comme hier, à ouvrir et à défricher les chemins du monde. Le nouveau siècle est à inventer, plus fraternel, plus volontaire. Il aura les couleurs que nous lui donnerons. La France sera ce que nous voudrons qu’elle soit. Une Nation unie, vivante, solidaire, ouverte, qui n'accepte aucune fatalité, car, dans un monde où rien n’est figé, l'avenir dépend de nous. L'avenir dépend de notre capacité à construire, à créer, à rêver ensemble les voies de l’aventure humaine.

A chacune et à chacun d'entre vous, Françaises et Français de métropole, d’Outre-mer, de
l’étranger, je souhaite très chaleureusement une bonne et une heureuse année 2000.

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DISCOURS DE
MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

lors de la présentation des voeux
du Corps diplomatique

Palais de l'Elysée - mardi 4 janvier 2000

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Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Monsieur le Nonce,

Vos paroles m'ont profondément touché. Je forme à votre intention des voeux très sincères et, par votre intermédiaire, j'adresse à Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, au seuil de cette année exceptionnelle, les souhaits déférents et affectueux du peuple français.

Qu'est-ce que l'an 2000 ? Pour nombre de peuples que vous représentez, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, c'est le jubilé de l'avènement du christianisme dans l'histoire de l'humanité. Pour tous, la sensation d'un moment de passage entre un siècle et un autre, entre hier et demain, entre le passé et l'avenir.

Cette sensation est d'autant plus forte que, de plus en plus, les hommes, dans leur diversité, se réfèrent au même calendrier, comptent le temps de la même façon, vivent et partagent les mêmes événements, les mêmes images, les mêmes émotions.

Ensemble, portons nos regards sur le siècle nouveau. Franchissons ce seuil symbolique. Non pas en nous demandant de quoi ce siècle sera fait. Mais en réfléchissant à ce que nous voulons en faire.
 
 




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Pour les Européens, la réponse est claire. La voie est tracée. Notre histoire nous oblige. Avec la Renaissance et pendant cinq siècles, l'Europe a su bâtir une civilisation rayonnante. Puis le choc de nationalismes exacerbés et la négation radicale de nos valeurs ont entraîné notre continent, et le monde avec lui, dans deux guerres terribles qui ont cassé, effacé l'Europe. Depuis cinquante ans, avec opiniâtreté et avec succès, nous réunissons les conditions d'une nouvelle renaissance européenne.

Fondée sur la liberté et la démocratie, sur un modèle économique et sur une exigence sociale, l'Union européenne a d'abord eu le mérite inouï de rendre la guerre impossible entre nos peuples. Et chaque élargissement signifie d'abord, de façon irréversible, la garantie de la paix et de la démocratie pour les peuples qui nous rejoignent.

C'est parce que les Balkans ont vocation à appartenir à cette Europe, c'est parce que la haine ethnique menaçait à nouveau de gangrener notre continent que nous avons réagi avec tant de détermination au Kosovo. Favorables à cette intervention, nos peuples ont compris que nous devions savoir tirer les leçons de notre histoire. Aujourd'hui, la situation reste préoccupante et appelle une extrême vigilance, qu'il s'agisse du Kosovo, mais aussi du Monténégro où le statu-quo ne doit pas être menacé. La clé d'une solution durable pour l'ensemble de la région demeure l'avènement d'un régime démocratique à Belgrade.

Les Européens doivent désormais apprendre à réconcilier leur histoire et leur géographie. Pendant quarante ans, l'Union européenne n'a pas eu à dessiner ses frontières : elles lui étaient imposées par le rideau de fer. En s'ouvrant à 13 pays candidats, l'Union affirme sa vocation à rassembler toute la famille européenne.

Penser une Union de 600 millions d'habitants et de plus de 30 Etats membres, c'est d'abord la doter d'institutions plus efficaces et plus démocratiques. Voilà une première tâche confiée à la présidence française qui succèdera, dans six mois, à celle du Portugal.

Nos deux pays, qui travaillent la main dans la main, veulent que l'Europe du XXIème siècle soit celle des hommes. Une Europe où l'on circule librement et en sécurité. Une Europe de la croissance et de l'emploi. Une Europe sociale. Une Europe, aussi, des universités et des pôles de recherche, pour que nos jeunesses fassent vivre notre Union par un dialogue intense de nos cultures. C'est leur diversité même qui fait notre richesse collective.

Pour s'affirmer dans le monde, l'Europe doit avoir tous les moyens pour agir. La présidence française devra donc faire progresser, avec pragmatisme, la Défense européenne. L'Alliance atlantique demeure la pierre angulaire de notre sécurité. Mais les Européens doivent pouvoir assumer les responsabilités qui leur reviennent, au sein ou en dehors de l'Alliance. Là aussi l'objectif est clair. C'est désormais affaire de moyens et, donc, de volonté.

Aurons-nous la capacité de conduire les prochains et ambitieux élargissements, tout en poursuivant le renforcement de nos solidarités dans des domaines toujours plus nombreux ? Ma réponse est résolument positive. Elle se fonde sur le chemin parcouru en cinquante ans à peine. Même les plus optimistes des pères fondateurs n'avaient pas imaginé l'euro. La construction européenne, dans un processus continu, nous y a conduits. Nous l'avons voulu et c'est une réussite exemplaire, qui appelle à son tour de nouveaux progrès.

Ainsi va l'Europe. Plus vite et plus loin qu'on ne le dit. Le XXIème siècle verra, j'en suis sûr, l'affirmation de l'Union européenne, humaniste et prospère, puissante et pacifique, au premier rang des acteurs sur la scène mondiale.

Autre pôle de notre continent, la Russie, sous la conduite du Président Eltsine et malgré d'immenses difficultés, elle a affirmé avec constance son engagement démocratique, sa volonté de réforme et d'ouverture, sa place éminente en Europe et dans le monde. Au nom d'une amitié qui plonge ses racines dans l'Histoire, la France fait confiance à la Russie pour confirmer au cours des prochains mois ces orientations essentielles. Je souhaite qu'elle trouve très rapidement en Tchétchénie, où les populations civiles sont meurtries, le chemin d'une solution politique et de la paix.
 
 



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Agir dans le monde, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, c'est contribuer au règlement des conflits. Prendre du recul et de la hauteur, voir grand et loin, peut aider à établir la paix là où elle paraît encore difficile à concevoir.

Le conflit du Proche-Orient est né avec le siècle achevé. Puisse-t-il s'achever dans l'année où naît le nouveau siècle! C'est le souhait de tous les peuples de la région. C'est la volonté publiquement affirmée par leurs dirigeants. Les Etats-Unis bien sûr, mais aussi la France, avec d'autres, leur apportent tout leur concours. A l'heure où reprennent les négociations syro-israéliennes, je forme les voeux les plus forts pour leur plein succès. Je souhaite que s'engagent dès que possible les discussions libano-israéliennes. J'espère enfin que, dans les délais prévus, l'accord israélo-palestinien sur le statut final pourra être adopté.

L'Europe peut aussi aider les partenaires de la paix en avançant des propositions concrètes, dans deux domaines en particulier.

L'eau d'abord. Trop rare dans tout le Proche-Orient, elle suscite depuis toujours des tensions qui touchent au plus profond de l'instinct de survie des peuples. Et elle est aujourd'hui l'un des enjeux les plus difficiles de la paix. Je souhaite que l'Europe, sur la base de son expérience de la gestion des ressources, apporte toute sa contribution à la recherche de solutions précises pour mieux répartir et surtout augmenter les quantités disponibles.

L'habitat et l'urbanisme ensuite. Ce sont deux urgences du futur Etat palestinien. La meilleure arme de la paix sera le développement. Un programme ambitieux pour la Cisjordanie et Gaza, en accompagnement d'un accord, apporterait un grand nombre d'emplois, une meilleure qualité de vie, des structures urbaines modernes. Déjà la France et les Pays-Bas unissent leurs efforts pour construire le port de Gaza. A la demande de l'Autorité palestinienne, l'Union européenne et la Banque Mondiale pourraient élaborer une première esquisse cohérente dont la mise en oeuvre serait engagée, dès la signature du règlement, et étalée sur plusieurs années.

Oui, la paix est possible au Proche-Orient! Pendant les mois décisifs de la négociation, qui coïncideront avec la présidence française de l'Union, l'Europe peut lui apporter un concours significatif en aidant à créer un état d'esprit nouveau à travers des solidarités de fait et une prospérité partagée. C'est cette approche qui a permis d'effacer l'antagonisme entre la France et l'Allemagne au lendemain de la guerre. Inspirons-nous de cette démarche! Encourageons tous nos partenaires arabes à accompagner l'Autorité Palestinienne, la Syrie et le Liban vers la paix en se plaçant eux aussi dans la perspective d'une normalisation de leurs relations avec Israël!

Pour donner à cette perspective toutes ses dimensions, j'ai proposé, vous le savez, que cet automne se tienne à Marseille le premier sommet rassemblant tous les Chefs d'Etat et de gouvernement de l'Europe et de la Méditerranée si, bien sûr, les progrès du processus de paix le permettent. Car c'est bien à l'échelle de notre mer commune que nous devons créer un espace organisé de stabilité et de paix, de coopération et de développement. Voilà une grande et belle ambition pour le siècle naissant!
 
 




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L'Afrique doit être aussi notre priorité. Plus de la moitié des conflits recensés dans le monde s'y sont enkystés, enfermant de nombreux peuples dans le malheur et dans le désespoir. Cette situation est d'autant plus inacceptable qu'ailleurs, la communauté internationale a su se mobiliser pour imposer des solutions de paix.

C'est d'abord en Afrique centrale que nous devons agir. La guerre en République Démocratique du Congo, en impliquant tous les Etats du pourtour, a entraîné la région dans une spirale sans fin d'affrontements et de destructions. Et pourtant, le chemin de la paix existe. L'accord de Lusaka l'a tracé, en décidant avec sagesse le retrait des forces étrangères et la réconciliation nationale. Il faut absolument que cet accord soit appliqué. Il faut que le Conseil de sécurité s'engage résolument en contrôlant, sur place, le cessez-le-feu et les retraits. La France est prête à apporter son concours au succès de cette opération nécessaire et urgente.

En accompagnement de l'action du Conseil, la convocation par l'ONU et l'OUA de la Conférence des Grands Lacs, depuis longtemps demandée par la France, vous le savez, permettrait de définir et de garantir les modalités d'une coexistence harmonieuse entre populations dans chaque Etat et d'une coopération entre les pays pour assurer enfin le développement de l'une des régions les mieux dotées du continent. La France présentera ce mois-ci au Conseil de Sécurité des suggestions détaillées à ce sujet.

S'il n'est pas de développement sans paix, il n'est pas non plus -je le souligne- de développement durable sans démocratie. Les derniers jours de l'année ont vu la démocratie à l'épreuve. La position de la France, vous le savez, reste constante : elle condamne le recours à la force et appelle au rétablissement d'un ordre constitutionnel respectueux des exigences démocratiques.

Il n'y a pas non plus de progrès possible en Afrique sans aide publique.

En deux ans seulement, l'Asie et l'Amérique latine ont renoué avec la croissance grâce aux réformes engagées avec le concours du Fonds Monétaire International. Ces réformes, il faut les poursuivre jusqu'au bout, avec détermination, pour assurer une croissance solide et durable. Mais je veux ici saluer la remarquable réussite de politiques courageuses. Les perspectives sont désormais favorables dans le monde entier. Elles le seront aussi en Afrique si les efforts de bonne gouvernance conduits dans une majorité de pays sont épaulés par l'aide publique indispensable pour développer les infrastructures et les systèmes d'éducation et de santé.

La France a obtenu le maintien, au cours des cinq prochaines années, de l'aide que l'Union européenne apporte aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. C'est un beau succès et qui n'allait pas de soi. La France demande, au sein du G7, vous le savez, que les Etats dont la contribution est nettement inférieure à la sienne, profitent d'une conjoncture budgétaire exceptionnelle pour accomplir les efforts que la morale et l'équité commandent.

Il en va de même pour la dette des pays les plus pauvres. La France, qui sera la plus généreuse avec 40 milliards de francs d'annulation, lance un appel pour que les engagements pris à Cologne soient strictement tenus par tous. Si tel était le cas, la France pourrait proposer que le prochain sommet, en juillet à Okinawa, décide de porter à 100 % le taux d'annulation de la dette des pays les plus pauvres.

Une aide publique accrue ; une dette totalement effacée ; mais aussi un accès privilégié aux marchés des pays industrialisés, comme l'Europe l'a offert à Seattle : voilà les trois propositions de la France pour accompagner les efforts des pays les plus pauvres. Mises en oeuvre ensemble, ces trois orientations leur permettraient de bénéficier enfin de la mondialisation des capitaux et des technologies. Alors, unissons nos volontés, au Nord et au Sud, pour que le XXIème siècle soit celui d'une prospérité partagée!
 
 



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Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

L'an dernier, devant vous, j'avais proposé que le sommet du millénaire, rassemblant tous les Chefs d'Etat et de gouvernement de la terre, en septembre prochain à New York, adopte sept principes pour mieux maîtriser les mutations contemporaines et guider la société internationale au XXIème siècle. Une société marquée par le progrès constant des droits de l'Homme et de la démocratie et l'émergence d'une conscience universelle.

Je veux y revenir aujourd'hui, un mois après l'échec de Seattle, pour vous dire la conviction qui inspire la politique de la France : nous devons progressivement bâtir ensemble, autour de ces sept principes, une éthique de la solidarité. Elle seule permettra la gestion globale de nos interdépendances dans l'intérêt de tous.

Dans un monde où tout se tient, l'égoïsme, le repli sur soi, le refus de l'autre conduisent à l'échec de tous. Saisissons l'occasion unique du sommet des Nations-Unies pour progresser vers une société mondiale mieux organisée et mieux acceptée!

Sans éthique de la solidarité, nous ne surmonterons pas des catastrophes naturelles de l'ampleur de celle qui endeuille aujourd'hui le Venezuela. Nous ne parviendrons pas à sortir de l'enlisement les négociations sur la protection de notre environnement ni celles sur le désarmement, deux domaines d'action dont dépend l'avenir même de l'humanité. Sans éthique de la solidarité, nous ne vaincrons pas le sida et les autres maladies infectieuses. Nous ne vaincrons pas le crime organisé, la drogue et le terrorisme.

Avec une éthique de la solidarité, nous pourrons enfin bâtir un système commercial mondial équilibré, prenant en compte, au Sud, les exigences du développement et, au Nord, les attentes de nos peuples. Pour le construire, nous devons aussi tirer quelques leçons de Seattle. Nous devons renforcer l'OMC, réformer ses procédures, établir des liens de coopération organisée avec les autres institutions internationales.

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Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Une renaissance européenne, la paix, le développement, une éthique de la solidarité : voilà les ambitions de la France pour le siècle qui naît.

C'est ce message que je vous demande de transmettre, avec mes voeux personnels les plus chaleureux, à tous vos Chefs d'Etat et de gouvernement, qui sont souvent, pour moi, des amis. A l'intention de chacune et de chacun d'entre vous et de vos familles, à l'intention de tous vos peuples, je forme les souhaits les plus sincères, les plus cordiaux de bonheur et de prospérité.

Bonne et heureuse année à tous! Bonne et heureuse année à tous vos pays!

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Voeux du Premier ministre à M.Jacques CHIRAC,
Président de la République

Paris, le 3 janvier 2000

Monsieur le Président de la République,

Pour la troisième fois, la tradition républicaine nous réunit pour la présentation des voeux du Gouvernement au chef de l'Etat. Cette cérémonie revêt, cette année, une dimension particulière, puisque nous changeons, au moins symboliquement, de siècle et de millénaire.

En famille, entourés de leurs amis, chez eux ou dans les rues, les Français ont chaleureusement fêté l'entrée dans l'an 2000. Le Gouvernement collectivement et chacun des ministres concernés ont veillé à ce que ce passage qui avait inspiré des inquiétudes s'opère -au plan des rassemblements humains comme à celui de la maîtrise des techniques- dans le calme et la sécurité, après des jours d'épreuves. Ce fut le cas. Nous nous en réjouissons tous.

Cette grande et belle fête ne nous fait pas pour autant oublier ces épreuves. Après des inondations catastrophiques dans le sud du pays, le littoral atlantique a été souillé par une pollution d'hydrocarbures, tandis que la majeure partie du territoire hexagonal était frappée par une tempête d'une intensité exceptionnelle. La Nation, meurtrie, déplore plusieurs dizaines de victimes.

Dans ces moments douloureux et difficiles, l'Etat a assumé ses responsabilités en organisant les réponses et en exprimant la solidarité nationale qui est au coeur du pacte républicain. Je rends hommage à tous les fonctionnaires et agents des services publics qui ont travaillé sans relâche pour porter secours, pour restaurer le bon fonctionnement des infrastructures collectives, pour que la vie reprenne ses droits.

Ensemble, surmontant leur douleur, les Français ont manifesté une remarquable fraternité. Je veux saluer en particulier la générosité des milliers de bénévoles qui sont venus spontanément prêter main forte sur les côtes de Bretagne et de Vendée.

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Car la France est aujourd'hui une nation confiante, tournée vers l'avenir, en position solide au sein de l'Europe. Les performances de notre économie sont remarquables. La croissance est assurée -la plus forte en Europe- et elle devrait l'être davantage encore cette année, appuyée sur une consommation et des investissements vigoureux. Le chômage recule de façon constante. Il a atteint son plus bas niveau depuis sept ans. L'inflation reste faible et le commerce extérieur excédentaire. Ce résultat a été servi par une politique économique et sociale ambitieuse et réaliste. Grâce aux réformes engagées, nous construisons une modernité maîtrisée, respectueuse de notre identité et qui fasse une place à chacun.

Mais il y a une seconde leçon à ces épreuves : le monde n'est pas qu'un marché, nos sociétés ont besoin de règles, l'économie doit être au service de l'homme, et non l'inverse.

La tempête et la marée noire n'étaient pas des épreuves d'une même nature. Il y avait, d'un côté, la violence soudaine d'une catastrophe naturelle ; et, de l'autre, l'accident qu'une organisation internationale défectueuse n'a pas su prévenir.

Le naufrage d'un pétrolier en bout de course a souligné les dangers d'une mondialisation débridée, mue par un capitalisme sauvage. Face à l'appétit souvent excessif des intérêts marchands, les droits de la personne humaine, la qualité de notre environnement et de nos ressources, doivent être défendus. C'est là une des missions essentielles d'un Etat moderne. Nous ferons à nos amis européens et dans les organismes internationaux compétents des propositions en ce sens.

Garantir la sécurité des Français, maîtriser les forces du marché, combattre les excès du libéralisme : c'est précisément dans cet esprit que le Gouvernement travaille depuis deux ans et demi. En a témoigné récemment la détermination avec laquelle nous avons défendu la sécurité de l'alimentation des Français. La liberté des échanges ne doit pas s'imposer lorsque la santé publique est en jeu.

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La France est d'autant plus généreuse et fraternelle qu'elle se sent plus forte : c'est sans doute là une première leçon des événements qui ont assombri la fin de 1999.

Monsieur le Président de la République, A mes yeux, la préservation de nos intérêts nationaux participe de notre attachement à l'Europe.

Car l'Europe est une union des nations. Une union au service de la paix. Une union fondée sur l'appartenance à une même civilisation. Une civilisation façonnée par l'Histoire, riche de la diversité de ses cultures, forte d'un modèle de développement que nous avons voulu fonder sur l'efficacité économique et la justice sociale.

Ce sont cette civilisation et ce modèle que nous devons approfondir. C'est le sens de l'Europe politique que nous voulons construire sur le socle de l'Europe économique. C'est là aussi une façon de nous donner, comme Français et comme Européens, les moyens de peser mieux sur le cours des choses. De maîtriser notre destinée collective.

Cette conviction inspirera notre action au second semestre prochain, lorsque la France assumera la Présidence de l'Union européenne. Le Gouvernement s'attachera à ce que l'Union accomplisse des pas décisifs pour bâtir un avenir commun que nous croyons juste et que veulent les Français : une Europe de la croissance et du plein emploi, une Europe plus démocratique, une Europe dont l'élargissement soit maîtrisé, une Europe forte et contribuant à donner au monde les règles indispensables à sa stabilité et à sa prospérité. C'est là une tâche que nous mènerons ensemble, Monsieur le Président de la République, car chacun sait votre attachement personnel au projet européen.

C'est ainsi, en parlant d'une seule voix -celle de la France-, que nous permettrons à notre pays d'être encore plus fort au sein d'une Europe plus unie.

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Monsieur le Président de la République,

Au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, je vous présente, ainsi qu'à votre épouse et à votre famille, des voeux chaleureux et cordiaux pour l'année 2000.

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